Choses vues à Vilnius

Vivian Petit, contributeur régulier de lundimatin s’est rendu à Vilnius, à 30 km de la frontière biélorusse. Successivement placés depuis la fin du 18e siècle sous occupation par l’Empire russe, l’Allemagne, la Pologne, l’Allemagne nazie puis l’URSS, les Lituaniens savent de quoi ils parlent quand il s’agit d’impérialisme. Notre reporter livre ici le témoignage intuitif d’un voyage solitaire qui l’amène des tribunes du Zalgiris Vilnius aux salons d’un club BDSM. Il y est question de la guerre, de la crainte d’une invasion russe, des pratiques (entrepreneuriales) douteuses d’expatriés français et de la gentrification de la ville par les artistes. L’auteur dresse le portrait d’une ville duale, où le dynamisme d’une jeunesse progressiste se déploie, sur fond d’anxiété et d’inquiétude, mais aussi lors de nuits blanches plutôt agitées. Une ville, deux ambiances.

« C’est vrai, nous ne sommes pas dans la même situation que les Géorgiens et les Ukrainiens, mais nous connaissons les Russes … », dois-je entendre plusieurs fois par jour à Vilnius. Souvent, face à un(e) Lituanien(ne) convaincu(e) de l’invasion prochaine de son pays, ou qui exprime son inquiétude face à cette éventualité, j’ai pu avant, comme pour être raisonnable et rassurant, mentionner l’appartenance de la Lituanie à l’OTAN et à l’Union Européenne. J’ai aussi insisté sur le fait qu’il est possible de considérer Poutine comme un ennemi tout en lui reconnaissant une certaine rationalité et un sens stratégique.

Fréquemment, mes interlocuteurs insistent sur l’impérialisme consubstantiel à la Russie, et invoquent l’histoire récente de la Lituanie (le pays fut annexé à l’URSS jusqu’en 1991). Parfois, ils me rappellent que le bar où nous discutons se situe à proximité des anciens locaux de la Gestapo, occupés ensuite par le KGB, qui les dota d’une salle d’exécution en sous-sol. Au dix-neuvième siècle, c’est au centre de plusieurs des places de la ville que les insurgés s’opposant à l’Empire russe étaient exécutés.

En réalité, en ces temps de combats en Ukraine, l’atmosphère vilnusienne est duale. D’une part, la vie semble suivre son cours normal. La métropole continue de croître, ses dirigeants se vantent de la capacité d’innovation des entreprises développant des nouvelles technologies, et l’université, très réputée, accueille la majorité des étudiants du pays. Beaucoup d’hommes continuent de suivre les matchs de basketball dans les pubs, la…

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Auteur: lundimatin