Christian Salmon : « Le trumpisme est le nom de cette vague conspirationniste qui refuse les pouvoirs institués »

Basta ! : Que vous a inspiré l’invasion du Capitole à Washington, le 6 janvier dernier ?

Christian Salmon : On s’attendait à des troubles, peut-être même à des émeutes au cours du processus électoral, à l’image de celles fomentées par Roger Stone [un consultant et lobbyiste très conservateur, ndlr] lors de l’élection de Bush en 2000. Dès le mois d’août, le magazine The Intercept décrivait les dangers d’un chaos post-électoral, voire d’un coup d’État, et appelait à se mobiliser pour protéger le dépouillement dans différents bureaux de votes. Ce qui est surprenant, c’est la forme que l’événement a prise : une sorte de monôme étudiant à l’intérieur même du temple de la démocratie américaine, une déambulation complètement foutraque de gens déguisés, plus occupés à prendre la pose qu’à réellement interrompre le processus d’enregistrement des élections…

Au regard d’autres manifestations, la facilité avec laquelle les manifestants ont pu pénétrer dans les lieux est d’ailleurs déconcertante. C’est une irruption virale : l’institution du pouvoir perd ses mécanismes de défense immunitaire, la sécurité ne fonctionne plus. Or qu’est-ce qu’ils y ont fait ? Des selfies ! L’objet des émeutiers n’était pas vraiment de prendre le pouvoir au Congrès. Ils visaient un autre pouvoir, celui de l’image : si les images de l’occupation du Capitole se sont répandues aussi vite sur les réseaux sociaux, c’est parce qu’elles constituaient une sorte de « Krach symbolique », un mercredi noir de la démocratie américaine, au cours duquel ses valeurs ont été subitement dévaluées et ridiculisées.

Certains ont comparé ces événements avec les manifestations antiparlementaires du 6 février 1934, en France.

Ça n’a rien à voir, on est dans un autre monde. Le 6 février 1934, c’est une vraie tentative de contre-révolution, c’est la rue contre le pouvoir, l’extrême droite contre la gauche. Le 6 janvier 2021, ce n’est pas du tout la même logique d’affrontement politique, on est dans l’ordre du symbolique. C’est ce que Jean Baudrillard aurait appelé un…

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Auteur: Barnabé Binctin