Chroniques d'Ukraine #2

Habitué des zones de conflit, le chercheur français Romain Huët s’est rendu pendant un mois en Ukraine afin de documenter le vécu quotidien de la guerre, cette « expérience de l’écroulement du monde ». Nous publions cette semaine ses trois premières Chroniques d’Ukraine et nous le retrouverons lundi prochain dans un lundisoir spécial qui tentera de reprendre la discussion entamée au lendemain du déclenchement de la guerre avec des chercheurs et des activistes s’étant rendus sur place.

Lviv, 18-20 avril 2022. La ville est calme. Les rues sont remplies de badauds qui se promènent sous un soleil intermittent. À première la vue, la vie y parait normale. En réalité, les changements sont profonds.

Lviv a accueilli plusieurs dizaines de milliers de réfugiés venant de toute l’Ukraine, en particulier de Kiev et des villes de l’Est. Un couvre-feu est imposé de 22h à 5h. La vente d’alcool vient tout juste d’être à nouveau autorisée, mais avant 20h. Les alcools forts sont strictement interdits. Autour de la ville s’accumulent quelques checkpoints, des barricades installées par les civils volontaires, de menues protections contre certaines vitres, des sacs de sable ou de grandes bâches pour protéger les monuments d’éventuels éclats d’explosion. Durant ces deux jours, six ou sept alertes ont retenti dans la ville, n’interrompant que temporairement la vie collective. Le 18 avril, un des missiles russes a tué sept personnes à Lviv.

L’expérience de la guerre incite à focaliser l’attention sur la résistance armée. Ce n’est là qu’un aspect du problème. Elle engendre aussi des résistances non violentes. Il existe une économie ordinaire de la guerre, faite de débrouilles et d’arrangements collectifs. À l’arrière, on ravitaille le front, on accueille les réfugiés, on tisse des réseaux internationaux, on cherche des fonds. C’est le maintien d’une économie de paix dans un temps de guerre.

J’ai voulu m’approcher des artistes et de leurs façons d’envisager la résistance. L’art est une ressource indispensable pour mettre en langage ce qu’il se passe. La guerre se déroule aussi dans ce domaine pour faire face à l’hégémonie culturelle russe dans l’espace post-soviétique.

Denys Metelin, street-artiste

Je rencontre Denys Metelin, street-artiste. Il est originaire de Crimée. En 2014, à la suite de l’invasion russe, son père a fait ses bagages et l’a jeté dans le premier train pour Lviv. Il avait 19 ans. Depuis ce jour, il est hanté par la guerre.

Il en…

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Auteur: lundimatin