Chroniques d'Ukraine #3

Habitué des zones de conflit, le chercheur français Romain Huët s’est rendu pendant un mois en Ukraine afin de documenter le vécu quotidien de la guerre, cette « expérience de l’écroulement du monde ». Nous publions cette semaine ses trois premières Chroniques d’Ukraine et nous le retrouverons lundi prochain dans un lundisoir spécial qui tentera de reprendre la discussion entamée au lendemain du déclenchement de la guerre avec des chercheurs et des activistes s’étant rendus sur place.

Kiev, le 20 avril 2022. Il y a deux mois, la ville s’est vidée de ses habitants et de ses commerces. En dépit de sa splendeur, l’absence de vie la rend froide et angoissante.

La célèbre place Maïdan est silencieuse. Les larges boulevards pavés sont parsemés d’obstacles antichars qui ne gênent que quelques voitures. À la beauté de cette ville, il manque la vie, les embouteillages, la légère nervosité, les gens solitaires qui se hâtent à leurs occupations, ces milliers d’itinéraires qui se croisent en s’ignorant. Ce jour-là, alors que je marche dans la ville, la foule me manque.

Pourtant, les habitants reviennent progressivement à Kiev. On y fait ses courses facilement. Quelques cafés commencent à ouvrir à nouveau. Le danger ne se fait plus sentir. Le centre-ville est épargné des destructions. Ce sont surtout les quartiers autour de la ville qui ont été visés. L’armée russe s’est trouvée à une dizaine de kilomètres avant d’abandonner son objectif pour se replier dans le Donbass.

Sergueï, volontaire

J’ai rendez-vous avec Sergueï, membre d’un centre de volontariat. Une centaine de ces centres se sont implantés dans toutes les villes d’Ukraine. Ils sont composés de civils. Leur rôle est d’organiser l’aide d’urgence (produits de première nécessité) ou d’acheminer du matériel militaire. Ces centres se distinguent de la « défense territoriale » dont le but est, au côté de l’armée, de protéger par les armes la ville.

Ces centres de volontariat sont d’une importance considérable. La résistance ukrainienne aurait sans doute été rapidement écrasée si les civils ne s’étaient pas massivement mobilisés pour faire face à l’invasion de leur territoire par les Russes. La population se dresse dans l’urgence et dans la terreur du feu.

Sergueï me reçoit dans le quartier général (QG) du groupe qui réunit une quarantaine de personnes. C’est un sous-sol d’une centaine de mètres carrés où sont…

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Auteur: lundimatin