Ci-gît la promesse de progrès

Eduardo Casais revient ici sur la notion de progrès pour montrer en quoi elle relève d’une idéologie destructrice. Jusqu’ici, rien de très nouveau : qui croit encore dur comme fer à l’idée que l’humanité dans son ensemble, guidée par les lumières de la raison et de la science, va vers un futur toujours plus vertueux et bénéfique au plus grand nombre ? Mais l’intérêt de l’article est ailleurs : il réside plutôt dans les histoires précises mises en avant pour montrer concrètement comment les discours du progrès ont servi à justifier le pire (l’esclavage, les déportations et les massacres). De la colonisation (notamment celle du Congo sous Léopold II) aux récentes évolutions du capitalisme, l’article dévoile patiemment les rouages de l’idéologie progressiste et ses conséquences concrètes.

« C’est dans ce monde hanté seulement par la panne, dans un monde où il ne peut plus rien arriver sinon des pannes, que nous nous avançons désormais. »

Une route cahotante

Un épais brouillard entoure l’idée de progrès jusqu’à en rendre les contours fantomatiques. On pourrait dire comme Baudelaire que « cette lanterne moderne jette des ténèbres sur tous les objets de la connaissance [.] Qui veut y voir clair dans l’histoire doit avant tout éteindre ce fanal perfide. » Le citoyen informé nous répétera immanquablement que le plus humble foyer jouit de plus de confort matériel que Louis XIV à Versailles. Que la diffusion en continu par Internet nous apporte plus de musique, et plus variée, que le prince-archevêque Colloredo n’en recevait de Mozart à Salzbourg. Que l’on peut pratiquer l’homosexualité sans devoir se suicider comme Alan Turing ou moisir dans les geôles de Reading comme Oscar Wilde. Que la voiture électrique va nous rabibocher une planète que la voiture à essence du 20e siècle avait empuantie. Que la vidéoconférence nous garantit un contact ininterrompu avec nos êtres chéris. Que la fusion nucléaire et l’hydrogène vont nous alimenter en énergie inépuisable à bon marché. Que la technologie aérospatiale nous permettra bientôt de passer le week-end sur Mars ou d’exploiter les ressources minières de l’espace sidéral. Que la fécondation in vitro apporte les joies de la procréation à tous et à chacun, et laisse même choisir, moyennant quelques bidouillages génétiques, le genre et le modèle d’enfant souhaité.

Cela se peut. Malgré l’apparente tendance à la baisse de l’innovation mondiale rapportée par certaines études, on ne…

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Auteur: lundimatin