Climat : l’épineuse question de la responsabilité historique des pays industrialisés

Cela ne vous aura pas échappé : la 27e Conférence des parties à la Convention climat des Nations unies s’ouvre ce lundi 7 novembre 2022 à Charm el-Cheikh, en Égypte. Les discussions, qui s’annoncent âpres, se poursuivront jusqu’au 18 novembre prochain. Ce sera en effet la première COP où la question des compensations financières pour les dommages subis par les pays en développement figurera en haut de l’ordre du jour.

Cette rencontre au sommet, qui réunit près de 200 pays, promet d’être chahutée par la défiance grandissante du Sud envers le Nord, et par les revendications récurrentes du groupe « pays en développement + Chine », rien moins que 6,5 milliards d’habitants sur les 8 de la planète !

La saga des 100 milliards

Pour comprendre les tensions et débats autour de cette question centrale (qui est responsable du réchauffement, qui devrait payer ?), il faut faire un retour en arrière.

Décembre 2009 : alors que les négociations à la COP15 de Copenhague entrent dans leur dernière ligne droite, le président états-unien Barak Obama propose une enveloppe de 100 milliards de dollars par an, à mobiliser à partir de 2020 pour le financement des politiques d’atténuation et d’adaptation dans les pays en développement.

Il s’agissait ici moins d’une « solidarité Nord-Sud » que d’une tentative d’arracher un deal : des transferts financiers en provenance des pays industrialisés contre des engagements de réduction des émissions des grands émergents. Tous se refuseront, Chine en tête, à promettre quoi que ce soit.

Treize ans plus tard, selon l’OCDE, les 100 milliards seraient en passe d’être réunis. Mais l’annonce est accueillie avec scepticisme et méfiance par les pays en développement. Cette enveloppe est en effet constituée très majoritairement de prêts – qu’il faudra donc rembourser – plutôt que de dons.

Peu transparents quant à leur caractère « nouveau et additionnel » par rapport à l’aide au développement traditionnelle, ces financements échappent presque à tout contrôle des pays du Sud quant à leur affectation.

Le bol d’air qu’avait constitué la promesse des 100 milliards s’est aujourd’hui mué en une profonde frustration.

Le serpent de mer des « pertes et dommages »

Dès 1991, lors des premières négociations pour la Convention climat des Nations unies, l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS), tous vulnérables à la montée des eaux, proposait déjà un « mécanisme international de compensation financière pour les pertes et dommages associés aux effets négatifs du changement climatique ».

De fait, un mécanisme international pour pertes et préjudices sera créé en 2013 à la COP19 de Varsovie. Mais, deux ans plus tard, l’Accord de Paris précisait qu’il s’agissait d’un outil de coopération et non de réparation, et qu’il « ne peut donner lieu ni servir de fondement à aucune responsabilité ni indemnisation ».

Un « dialogue sur les pertes et dommages pour les pays les plus vulnérables » aura finalement été engagé à la COP26 de Glasgow (2021) (dit « Pacte climatique de Glasgow »).

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Ces dernières années, les pays du Sud auront mis la pression pour qu’un mécanisme financier de compensation des préjudices puisse être officiellement lancé à la COP27. Mais les États-Unis et l’Europe n’en ont jamais voulu et ils ne soutiendront pas la création d’un nouveau fonds.

À Charm el-Cheikh, pour cette COP27, ils se limiteront donc à proposer – c’est la position officielle de l’UE – de renforcer les institutions existantes.

Ces tensions intenses trouvent leurs racines dans la représentation des « responsabilités historiques », concept qui structure les négociations depuis le début des années 1990.

Les responsabilités historiques, cette dimension structurante des négociations climat

Le principe des « responsabilités communes mais différenciées », inscrit dans la Convention climat de 1992, a gravé dans le marbre la division du monde en deux blocs ainsi que le concept de responsabilité historique des seuls pays industrialisés.

Il a jusqu’ici exonéré les pays du Sud, Chine comprise, de toute obligation de réduction des émissions ;…

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Auteur: Michel Damian, Professeur honoraire, Université Grenoble Alpes (UGA)