J’arrive en Mai, après une année de Covid et des siècles de domination capitaliste, et plus personne n’est disponible, les générations s’entretuent par opinions interposées. Les élèves regardent leurs profs comme des créatures pitoyables. On ne fait qu’observer la distance qui nous sépare entre les jeunes et les aîné-e-s, entre les adultes et les vieilles, entre les morts et les vivants, entre les bébés et les petits, entre les ados et les moyens, entre les bientôt-j’ai- fini et les je-viens-juste-d’arriver.
C’était le lundi de la rentrée, après un mois de distanciel, dont une ou deux semaines de vacances, en plein Covid. 8h du matin tous·tes en classe, difficile de voir les visages avec les masques. Les masques bleu clair et turquoise, chirurgicaux, les autres fabriqués à la main ou bien achetés à Monoprix, en tissu noir ou tissu blanc, pas de motifs ce matin là. À ces masques là s’ajoutent les masques invisibles et enveloppants, qu’ils et elles portent en permanence, nécessaires et automatiques, pour se protéger, dissimuler, se préserver, et mettre ce qu’ils/elles sont en sûreté.
Moi j’arrive donc avec Céline, la professeure d’arts plastiques, il est pas tout à fait 8h — je revois la cours et c’est quelque chose, ça m’fait quelque chose. Moi aussi je m’asseyais là, moi non plus j’aimais pas être là. Revoir la cour de la récré, le préau gris, les corps, les styles, les vêtements : tous calibrés, préemptés, mesurés, calés, fondus pour ne pas trop s’en prendre, parce que tu sais qu’on ne te rate pas, qu’on ne te ratera surtout pas …
Tu es rouquine, on se fout de ta gueule, tu n’assumes pas ton petit corps en train d’enfler sous ton t-shirt, tu commences à produire des poils, de la transpi, et du désir d’être attrapée, voire aussi d’être anéantie, mais tu te caches, tu es encore un corps d’enfant dans une vieille âme de plante grasse, t’entres en sixième, tu comprends rien à ce qui t’arrive, et c’qui t’arrive c’est le collège.
J’arrive à 7:58, et je vois le videur du collège, à mon époque y’en avait pas, qui check les cartes et les carnets, il faut se désinfecter les mains, une adulte engueule un ado qui n’a pas pris sa température avant de faire je ne sais quoi, aller en EPS peut-être, mais y’a-t-il encore de l’EPS ? Je ne sais pas. Je ne demande pas à Céline, car chaque seconde pause une question, alors non je n’oralise pas. Je regarde filer et je la suis, je dis bonjour à M. le concierge. Il est sympa. Je revois…
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Auteur: lundimatin