Combattre le racisme systémique en se mettant dans la peau de l’autre

Deux récents événements ont remis à l’avant-scène la question du profilage racial au Québec.

D’abord, la décision de la Cour supérieure du Québec, en octobre dernier, d’interdire les interceptions aléatoires sans motif réel des automobilistes par le corps policier. Le juge Michel Yergeau a conclu que ces interceptions mènent au profilage racial à l’encontre de la communauté noire.

Quelques jours plus tard, l’affaire Brice Dossa a fait les manchettes. Cette personne noire a été menottée dans le stationnement d’un centre commercial par deux policiers du SPVM qui le soupçonnaient d’avoir volé… sa propre voiture.

L’existence, ou pas, du profilage racial et de son pendant, le racisme systémique, ne font pas l’unanimité au Québec. Le premier ministre François Legault en nie toujours l’existence, au contraire du chef de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, qui estime que le racisme systémique discrimine des personnes en raison de leur origine ou de leur apparence physique.

Comme disait l’écrivain et ethnologue malien Amadou Hampâté Bâ, il y a trois vérités : « ma vérité, ta vérité, et la vérité ». Or, les données sur le racisme systémique, de même que les témoignages des personnes et des groupes qui le subissent, démontrent son existence au Québec.

Enseignant et doctorant à l’Université du Québec à Montréal, je m’intéresse notamment aux enjeux de l’inclusion des personnes racisées, du racisme et de la discrimination.

Leslie Blot, un citoyen de Mascouche, a remporté une plainte pour profilage racial contre la ville de Repentigny, en juillet 2021.
La Presse canadienne/Ryan Remiorz

Le racisme comme dévalorisation de l’Autre

Le mot « racisme » est peu défini, ce qui ne simplifie pas sa reconnaissance. En s’inspirant de la célèbre équation du penseur andalou du XIIᵉ siècle Averroèse, le racisme s’articule autour de la crainte du différent, car l’ignorance de l’Autre suscite la peur et conduit à l’hostilité et à l’agressivité.

Mais, pour reprendre la comparaison de l’écrivain et essayiste franco-tunisien Albert Memmi dans son ouvrage Le racisme, c’est aussi un jeu de pouvoir semblable à l’oscillation d’une balançoire qui, pour élever l’un, il faut abaisser l’autre.

Albert Memmi a proposé une définition du racisme qui est devenue d’usage courant : le racisme est la (dé)valorisation d’une différence en faveur de l’accusateur et au préjudice de sa victime pour légitimer une oppression (privilège ou domination). Cette différence peut être réelle ou supposée, biologique ou culturelle, mais elle est généralisée et définitive, c’est-à-dire que la différence d’un individu est définitivement étendue au groupe auquel il appartient.

Cette définition dévoile le mécanisme général sous-tendant le racisme : la catégorisation des personnes à partir de leurs différences, leur hiérarchisation et la discrimination.

La statue de Sir John A. MacDonald est démontée à la suite d’une manifestation à Montréal, le 29 août 2020. Il est désormais perçu comme un politicien raciste, notamment envers les francophones et les autochtones.
La Presse canadienne/Graham Hughes

Selon l’Office québécois de la langue française, le racisme systémique est une discrimination fondée sur la race découlant d’objectifs ou de pratiques organisationnelles, institutionnelles, étatiques ou des acteurs sociaux. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse précise que la discrimination est systémique parce qu’elle est le résultat de plusieurs effets excluant les membres d’un groupe de façon disproportionnée en raison de leurs différences. Ces effets préjudiciables découlent de la conjugaison d’attitudes marquées de stéréotypes et de préjugés, conscients ou inconscients, de pratiques et de politiques ne prenant pas en considération les caractéristiques des membres du groupe ciblé.

Interroger le privilège blanc

La race humaine comme réalité objective ou biologique n’existe pas, mais elle a été théorisée comme une « science » au XIXe siècle. Le mot « race » dans son acception biologique a été longtemps utilisé pour justifier une soi-disant…

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Auteur: Abdel Hakim Touhmou, Chargé de cours et doctorant en éducation (Ph.D.), Université du Québec à Montréal (UQAM)