« Comme on admire la grande taille, on n’imagine pas qu’elle puisse être un stigmate » – Entretien avec la sociologue Marie Buscatto

Si les femmes très grandes apparaissent comme valorisées dans les représentations, avec l’image d’une femme qui correspond à l’image de la mannequin, la réalité diffère : des remarques presque quotidiennes, qui oscillent entre la blague (“il fait beau là-haut ?”) ou la critique, la difficulté à se vêtir correctement (trouver des chaussures pour femmes quand on fait du 42 ou plus limite les possibilités, ou encore un pantalon qui ne dévoile pas systématiquement les chevilles, entre autres), le fait de ne pas se sentir à sa place, etc. Autant de situations traversées (l’envie de parfois se faire toute petite, et aussi de la satisfaction) sur lesquelles il est difficile de mettre des mots ou de parler, puisque très peu de personnes connaissent la même situation. Je mesure 1,83m, sans doute un peu plus et un article a retenu mon attention un samedi soir : « Sexualité des femmes « très grandes » : quand la taille compte », un article publié par Agnès Giard dans Libération, à la fin du mois de janvier 2022. Cet article annonçait dès les premières lignes : « Dans la Très Grande Taille au féminin (CNRS éditions), la sociologue Marie Buscatto mène l’enquête sur les femmes qui, comme elle, souffrent d’être non pas « grandes, mais TRÈS grandes », ainsi qu’elle le formule pudiquement ». J’ai lu l’article, j’avais maintenant envie de lire le livre, puisque jamais je n’en avais jamais trouvé sur le sujet. Dès le lendemain, je me suis procuré ce livre que j’ai lu en quelques jours : un livre passionnant qui mettait des mots sur ce qui devenait dès lors un stigmate et pas juste une caractéristique plus ou moins bien vécue. J’en conseille la lecture et j’avais envie de discuter avec son autrice, la sociologue Marie Buscatto, professeure à Paris 1 et chercheuse à l’IDHE.S (Paris 1 – CNRS), également connue pour son travail sur les femmes du milieu du jazz.

Par Marion Beauvalet

Pouvez-vous revenir sur le paradoxe dans lequel se trouvent les femmes de très grande taille (selon l’INSERM, il s’agit des 2 à 3% de femmes les plus grandes qui mesurent au minimum 1m77) ?

C’est le point de démarrage de la démonstration dans le livre, même si ce n’est pas du tout le point de démarrage de mon enquête dans le sens où être grande et grand dans nos sociétés, peu importe que ce soit au féminin ou au masculin, est extrêmement valorisé. Dans les enquêtes, la plupart des personnes indiquent qu’elles aimeraient mesurer quelques centimètres de plus. Dans le…

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Auteur: Rédaction Frustration Mag