Le néopaysan Mathieu Yon est désormais chroniqueur pour Reporterre. Il vous racontera régulièrement les joies et les déboires de son installation dans la Drôme en tant que maraîcher biologique en circuit court.
J’ai passé les premières années de ma vie dans une petite maison que mes parents louaient à une famille d’agriculteurs. Nous avions peu d’argent à cette époque. Mon père était menuisier et ma mère cherchait du travail. Notre maison se trouvait au beau milieu d’une ferme, entourée d’outils agricoles rouillés et de hangars métalliques.
Je me souviens des oies en liberté qui me couraient après, et du chemin en terre avec les ornières des roues du tracteur, qui devenaient d’immenses flaques d’eau après la pluie. Je me souviens d’Alexandre, le fils de l’exploitant, avec qui nous faisions mille bêtises : sauter dans le silo à grains comme dans une piscine, se frayer des chemins dans les bottes de paille, jeter des cailloux sur les nids de frelons. Je me souviens des hirondelles revenant chaque année dans la grange et des sonnailles des moutons rentrant chaque soir à la bergerie, rappelés par les sifflements d’Alexandre.
Je me souviens aussi des courses que nous faisions au supermarché le plus proche, et des bacs de congélation dans lesquels je me penchais, le nez dans les paquets de pommes dauphines et de poissons panés. Je n’ai pas oublié l’odeur de glace et de plastique, l’odeur presque rassurante du supermarché le samedi matin, avec ses rayons toujours achalandés et ses files d’attente à la caisse.
J’ai grandi à la campagne, avec une ferme comme terrain de jeux et un frigo rempli de produits industriels. Je ne faisais pas de lien entre ce qu’il y avait dans mon assiette et les champs de blé qui poussaient autour de la maison. Les oies, les moutons, les maïs, les blés étaient des présences vivantes, que je retrouvais au supermarché sous forme de paquets de céréales, de lait en brique UHT et de viande sous cellophane.
« J’ai grandi à la campagne, avec un frigo rempli de produits industriels »
Quand mes parents ont reçu un héritage, ils ont pu accéder à leur rêve : acheter une ancienne ferme, délaissée par une famille de paysans. Nous y sommes partis. J’avais huit ans. Je laissais derrière moi les bruits de tracteur le dimanche et le ballet des mouches en été. Je laissais mon ami d’enfance et le monde paysan. Dans notre nouvelle maison, nous sommes peu à peu devenus des bourgeois. Mon père, qui avait une maîtrise en économie, est devenu…
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Auteur: Mathieu Yon Reporterre