Fabriqués surtout en Angleterre et en France à partir du début du XVIIIᵉ siècle, les pianos ont été massivement exportés, notamment en Amérique, permettant l’émergence de nouveaux répertoires. Voici l’histoire étonnante d’un instrument qui a traversé les océans, les classes sociales et les styles de musique.
Nous sommes à Rio de Janeiro, en 1862. Sur la gravure ci-dessus, 6 esclaves (reconnaissables à ce qu’ils sont pieds nus) portent sur leur tête un piano à queue de plus de 600 kg. Il y a de fortes chances que ce piano soit un Pleyel ou un Gaveau. Cette scène, qui nous semble aujourd’hui incongrue, est emblématique d’un commerce florissant à l’époque, celui des pianos exportés depuis l’Europe dans le monde entier.
Du clavecin au pianoforte
En s’installant pendant un an en résidence au Musée de la musique, à Paris, Anaïs Fléchet, professeure d’histoire contemporaine, s’est intéressée à cette histoire méconnue de l’instrument symbole de la civilisation européenne – un instrument porteur de hiérarchies sociales, raciales et de genre, qui va pourtant très rapidement trouver sa place dans des sociétés patriarcales et encore largement esclavagistes. C’est dans le cadre du triomphe de l’impérialisme européen en Afrique, en Asie, mais aussi de la domination économique et culturelle de l’Europe en Amérique latine et aux Caraïbes (ce qu’on a appelé « l’empire de…
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