Comment les coraux racontent la hausse des températures et l’acidification de l’océan Pacifique Sud

C’est désormais bien établi : la révolution industrielle a eu un impact fort sur nos sociétés, mais également sur notre environnement. La hausse de la concentration en CO₂ atmosphérique due aux activités humaines en est un exemple clair. Comprendre cette augmentation, son ampleur et ses conséquences est aujourd’hui essentiel : pour cela, partout sur la planète, des laboratoires cherchent de nouveaux indicateurs, de nouvelles données et scrutent de nouveaux secteurs.

À l’IRD, nous avons pu reconstituer ce phénomène sur plus de trois siècles dans les eaux du Pacifique Sud. Nous avons pour cela analysé une longue carotte (d’environ trois mètres) prélevée dans une colonie corallienne massive au sud-ouest de Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, qui conserve la mémoire de l’évolution de la température et du pH océanique sur toute sa période de vie. Nos résultats datent clairement l’origine du changement climatique actuel, et pointent le rôle des activités humaines.

De la hausse du CO₂ atmosphérique à l’acidification des océans

Il a été calculé qu’environ 41 % du CO2 atmosphérique est absorbé par les océans, or les concentrations en CO2 atmosphérique dues aux activités anthropogéniques ont subi une croissance continue et drastique depuis le début de l’ère industrielle. Les conséquences sont doubles : au cours du siècle dernier, cela a induit une hausse des températures des eaux de surface ainsi qu’une diminution des pHs océaniques.

Cette acidification est directement liée au CO2 puisque celui-ci, en repassant dans l’eau depuis l’atmosphère, devient un acide faible – d’où l’acidification observée.

Depuis le début de l’ère industrielle, le pH de la surface de l’océan a déjà baissé d’environ 0,1 unité. Et le phénomène va continuer, le dernier rapport du GIEC suggère une diminution de 0,3 unité de pH d’ici la fin du siècle, ce qui a aussi pour conséquence d’affecter la chimie des carbonates océaniques dans son ensemble.

Chimie des carbonates et température sont des paramètres environnementaux primordiaux qui contrôlent toute une gamme de processus chimiques, physiologiques et biogéochimiques clés du développement et de la survie de nombreux organismes marins. Organismes qui utilisent la calcification pour développer squelette, coquilles, tests, etc. Le cycle du carbone, lui-même un paramètre primordial du climat de la Terre, est également touché.

Les impacts des changements en cours sont étudiés de manière intensive, cependant le manque d’observations précises sur le long terme et à haute résolution géographique entrave leur bonne compréhension – et celle de leurs rétroactions sur le climat de la Terre.

Alors que les relevés instrumentaux de température couvrent partiellement le dernier siècle, avec des observations fiables à l’échelle de l’océan seulement pour les dernières décennies, les relevés instrumentaux de pH sont, eux, temporellement et spatialement extrêmement rares. On sait de plus peu de choses sur la tendance à long terme et sur la variabilité naturelle du pH de l’eau de mer au cours du siècle dernier. D’où l’intérêt de notre approche grâce à l’analyse des coraux.

Les coraux, des témoins uniques

Certains éléments, en l’occurrence leurs différentes « versions », ou isotopes, sont utilisés comme traceurs géochimiques : nous avons étudié les isotopes du bore (pour retracer l’évolution du pH) et de l’oxygène (témoin de l’augmentation de la température de l’eau). Enregistrés dans le squelette carbonaté des coraux, ils nous fournissent une opportunité unique de reconstruire en continu sur plusieurs siècles les changements des paramètres environnementaux (T °C et pH) de l’eau de mer où les coraux se sont développés. De quoi évaluer ensuite la validité des scénarios sur les changements climatiques à venir.

Si les reconstructions de température à partir de carottes de corail se font depuis plusieurs décennies, la mesure des isotopes du Bore à haute précision et sur de petites quantités de matériel n’est vraiment réalisable que depuis une quinzaine d’années – et exige une technique encore très coûteuse et complexe d’accès.

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Auteur: Delphine Dissard, Chercheuse paléoclimatologue marine et géochimiste, Institut de recherche pour le développement (IRD)