Comment les enquêteurs sur les crimes internationaux s’appuient sur les réseaux sociaux

L’agression de l’Ukraine par la Russie depuis le 24 février 2022 illustre à nouveau l’importance qu’ont prise les nouvelles technologies en matière d’enquêtes sur les crimes internationaux (crime de guerre, crime contre l’humanité, crime de génocide et crime d’agression).

Aux images satellites dont l’usage est renouvelé grâce à un gain de précision, s’ajoutent dorénavant des images obtenues par des drones et surtout des photos et vidéos mises en ligne sur les réseaux sociaux.

Les individus, qu’ils soient civils ou militaires, n’hésitent plus à filmer ou photographier ce dont ils sont témoins pour relater ensuite l’événement sur les réseaux sociaux. Toutes ces informations – appelées open source information – sont dès lors disponibles pour les enquêteurs. C’est ainsi, par exemple, qu’après avoir notamment examiné et authentifié « 46 photos et vidéos de la frappe rendues publiques sur les réseaux sociaux, ainsi que 143 photos et vidéos partagées de manière privée avec les personnes ayant effectué les recherches », Amnesty International a publié un rapport d’enquête sur le bombardement d’un bâtiment civil abritant des enfants le 16 mars 2022 à Marioupol.

Dans quelle mesure cette quantité incroyable d’informations disponible sur les plates-formes numériques améliore-t-elle la preuve des crimes internationaux et donc la poursuite de leurs auteurs ?

Une quantité incroyable d’informations

Précisons d’abord que la présence massive de ces informations en accès libre n’est plus un phénomène nouveau puisque les mécanismes mis en place au sein des Nations unies pour enquêter sur ces crimes, que ce soit en Syrie (Commission d’enquête et Mécanisme international, indépendant, impartial) au Myanmar Mécanisme indépendant pour le Myanmar ou en Irak (UNITAD) y ont déjà recours ainsi que les juridictions au niveau national ou international.



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Auparavant, l’enquêteur international était habitué à rechercher des preuves sur le territoire de l’État dans lequel les crimes avaient eu lieu ou à défaut lorsque cela n’était pas possible, à recueillir le témoignage des réfugiés provenant de cet État. Il peut désormais, en plus de ces preuves traditionnelles, recevoir les informations transmises directement par la société civile ou les recueillir sans se déplacer sur les réseaux sociaux.

Ce nouveau modèle d’enquête permet, d’une part, une participation plus grande des individus aux enquêtes, et d’autre part, de pallier l’absence d’accès au territoire de l’État lorsque celui-ci ferme ses frontières comme c’est le cas en Syrie ou lorsque les conditions de sécurité ne permettent pas d’envoyer sur place une équipe d’enquêteurs. Néanmoins, il soulève de nombreuses interrogations.

L’enquêteur se trouve confronté à de nouvelles difficultés : parvenir à analyser autant de données sans être noyé sous l’information ; distinguer la vraie information de la fausse information ; parvenir à présenter ce type de preuve dans le cadre du procès, etc.

Face à ces nouvelles preuves, les stratégies d’enquête varient grandement selon le mandat reçu par les enquêteurs. Les deux mécanismes indépendants d’enquête mis en place au sein des Nations unies (MIII : Mécanisme international, impartial et indépendant pour la Syrie et IIMM : Mécanisme indépendant pour le Myanmar) ont reçu pour mandat d’une part de « recueillir, de regrouper, de préserver et d’analyser les éléments de preuve attestant de violations du droit international humanitaire, de violations du droit des droits de l’homme et d’atteintes à ce droit » et d’autre part de « constituer des dossiers en vue de faciliter et de diligenter des procédures pénales équitables, indépendantes et conformes aux normes du droit international devant des cours ou tribunaux nationaux, régionaux ou internationaux ».

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À cette fin, ils réalisent une enquête de type structurel dans le cadre de laquelle ils cherchent à regrouper l’ensemble de ces preuves et à les analyser. Ce type…

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Auteur: Sarah Jamal, Maître de conférences en droit public, Université Paris 2 Panthéon-Assas