Comment les guerres s'entrecroisent entre elles — Tristan EDELMAN

Nous étions peu nombreux à manifester à Paris ce 13 décembre 2014 pour alarmer à propos d’une guerre civile qui, sans l’ombre d’un doute, allait s’étendre et s’enflammer. J’ai conservé 2 tracts : « Appel du collectif citoyen pour la paix en Ukraine : Arrêtons la guerre en Ukraine : les populations de l’Ukraine de l’Est paient le principal tribut (Lougansk, Donetsk, Donbass) … des missiles balistiques ont été utilisés… les morts se comptent désormais par milliers… certains villages ont été détruits à 80% (Siemionovka, Nikolaeva) …des écoles, des hôpitaux et des mairies détruits… huit journalistes tués… plus de 800.000 civils ont choisi l’exil vers la Russie… exigeons un cessez-le feu immédiat… faisons baisser l’hystérie ! »

Je suis d’origine juive, moitié russe-polonais. Pour ceux qui suivent la guerre au Donbass depuis 8 ans et l’évolution de l’Ukraine depuis 2004, il y a un dégoût et même un abattement à assister aux récupérations moralisatrices et manichéennes.

Mon frère habite encore à Moscou. Qui sait pour combien de temps. Je devais le rejoindre ce printemps pour donner cours de danse. Le centre culturel est fermé. L’ambiance est mortifère. La terreur prend les gens. Menace et propagande. De l’Orient à l’Occident les peuples sont sous commotion. Déprimant de voir des restaurants russes diffamés à Paris, des chaînes russes censurées (RT), d’entendre des discours pathétiques sur le fait admirable que c’est une femme qui gère l’affaire ; on peut déjà imaginer la Pologne interdire la musique russe et la Russie la musique française. Nous pleurons au téléphone ce désastre culturel… Maïakovky, Nijinsky, Dostoïevsky, Gogol, Tolstoi, Stravinsky… le théâtre, la danse, la littérature… notre indissociable culture européenne commune faite de mille nuances, mille apports imprévisibles des quatre coins du Monde… notre culture aujourd’hui broyée par une logique fanatique.

Du covid à l’Ukraine un leitmotiv : provoquer la terreur par une dramatisation de la menace de mort. Nous l’avions dit lors de l’Assemblée italienne : une terreur en chassant une autre, prochaine étape la Russie. Et pendant que l’identité numérique, les scandales génétiques et la prédation sur l’épargne avancent discrètement — et tel est un des objectifs de cette guerre — voici nos populations qui suivent, par un voyeurisme macabre et addictif, les tirs de missiles et les migrations sur smartphone.

La sentence « Nous sommes en guerre »

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Auteur: Tristan EDELMAN Le grand soir