Comment les innovations organisationnelles et managériales se déploient-elles ?

Depuis les années 2010, les entreprises s’intéressent activement à de nouveaux modes de management et d’organisation (NMMO) : méthodes agiles, « entreprise libérée », « holacratie », organisation « opale »… autant de concepts en vogue à l’heure où les entreprises sont sommées de devenir réactives, adaptables et innovantes, comme nous le soulignons dans notre récent ouvrage, récent ouvrage, Les nouveaux modes de management et d’organisation, innovation ou effet de mode ? (La Fabrique de l’Industrie).

Faire référence à ces modèles (et de préférence à plusieurs) est utile, car ils proposent un cadre de pensée et d’action. Toutefois, ils sont rarement livrés avec le mode d’emploi, et leurs effets dépendront considérablement de la manière dont ils sont déployés dans les organisations.

Schématiquement, il est possible de distinguer deux grandes modalités de déploiement. Dans le premier cas, le nouveau modèle organisationnel est construit par les acteurs internes qui peuvent certes s’inspirer de modèles existants mais font l’effort de les adapter pour répondre à leurs besoins et spécificités propres (environnement, secteur d’activité, culture organisationnelle et managériale, jeux d’acteurs, etc.) : ces méthodes s’hybrident alors avec d’autres pratiques internes et donnent lieu à des usages originaux, fruits d’un véritable processus d’innovation organisationnelle.

Dans le second cas, l’entreprise se contente de suivre un modèle à la manière d’une recette à appliquer, sans tenir compte des spécificités propres à l’organisation, et tombe alors dans le piège de l’effet de mode.

Dans nos récents travaux, nous révélons quatre processus de déploiement possibles. Nous nous sommes appuyés sur un corpus de 17 organisations expérimentant les nouveaux modes de manières plus ou moins radicales, allant d’associations autogérées à des divisions de grands groupes, dans des secteurs d’activité diversifiés.

La première configuration consiste à inventer son modèle de toutes pièces. Elle se retrouve souvent dans les organisations autogérées qui tiennent à inventer leur propre modèle alternatif. Celles-ci souffrent souvent d’un manque de références pour les guider dans les méandres de leurs expérimentations. Malgré l’ancienneté de ce courant, il reste peu étudié par les sciences de gestion. L’autogestion, application pratique de la philosophie politique anarchiste de Pierre-Joseph Proudhon datant du XIXe siècle, a pourtant connu depuis plusieurs expérimentations tout au long du XXe siècle (commune de Paris, soviets russes, conseils ouvriers allemands, révolution hongroise, etc.)

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Cette démarche a l’avantage d’assurer le déploiement de pratiques qui se veulent complètement originales et adaptées aux aspirations de leurs membres, souvent assez marquées idéologiquement. Une étude portant sur quatre organisations autogérées, coopératives et associations, révèle toutefois qu’elles rencontrent souvent les mêmes difficultés, ce qui les conduit in fine à adopter des pratiques organisationnelles assez similaires. Cette manière de procéder fait ainsi courir le risque de « réinventer la roue » à chaque fois, au travers d’un processus chronophage et énergivore qui oblige à tâtonner de longues années et qui peut finir par épuiser les membres.

Le risque du copier-coller

À l’autre bout du spectre, le dirigeant peut se contenter de copier-coller sur l’organisation existante un modèle « clés en main », qui plus est de façon brutale. Il peut être séduit par la lecture d’un ouvrage, une conférence de son auteur ou encore l’exemple d’une entreprise qui fait le buzz médiatique (comme les français Favi, Poult ou Chronoflex, emblématiques du mouvement des entreprises « libérées », qui cherchent à autonomiser leurs collaborateurs dans des organigrammes moins hiérarchisés).

L’une des organisations de notre panel a suivi ce chemin : inspirés par leurs lectures, les jeunes repreneurs ont été séduits par la solution proposée par un cabinet de conseil spécialisé dans « l’holacratie » qui leur promettait une transformation des modes de décisions et de la répartition…

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Auteur: Suzy Canivenc, Chercheure associée à la Chaire Futurs de l’Industrie et du Travai, Mines Paris