Comment les médias ont lâché Julian Assange (Harper's magazine) — Alexander COCKBURN

Chaque année, le 1er décembre, le Comité pour la protection des journalistes publie son recensement mondial des prisons, documentant le nombre de journalistes derrière les barreaux dans le monde. L’édition 2022 a établi un triste record : 363 journalistes emprisonnés. En parcourant la liste – organisée par ordre alphabétique de prénom – et en faisant défiler les « J », on constate que Juan Lorenzo Holmann Chamorro, éditeur du journal nicaraguayen La Prensa, est enfermé depuis 2021 pour blanchiment d’argent, dans le cadre de la répression de la dictature d’Ortega contre les médias indépendants. Vient ensuite Juret Haji, le directeur du Xinjiang Daily, détenu depuis 2018 après qu’un collègue a été accusé d’avoir « deux visages », une accusation courante du gouvernement chinois. Julian Assange s’insérerait parfaitement entre ces deux noms, mais il n’apparaît pas, comme c’est le cas depuis que le fondateur de WikiLeaks a été arraché à l’ambassade équatorienne de Londres en 2019 et enfermé à l’isolement à la prison de Belmarsh, surnommée « le Guantánamo britannique ».

L’omission est frappante pour quiconque se souvient de l’impact tonitruant qu’ont eu les révélations d’Assange sur les secrets du gouvernement américain. Mais la signification s’est estompée pour beaucoup, si tant est qu’elle ait jamais existé. Il y a peu de demandes publiques très médiatisées pour une responsabilisation ou des poursuites pour les crimes révélés par ses révélations. Au total, WikiLeaks a supprimé les filtres à travers lesquels nous sommes normalement amenés à voir le monde. Sans elle, nous n’aurions qu’une faible idée du nombre de civils tués en Irak et en Afghanistan lors de l’invasion américaine, ou des crimes de guerre commis par les États-Unis, comme l’exécution de onze personnes menottées, dont cinq enfants, lors d’un raid sur une maison en Irak en 2006. Nous ne saurions pas que la secrétaire d’État Hillary Clinton était parfaitement consciente que l’Arabie saoudite était une source de « soutien financier essentiel » pour les talibans et Al-Qaïda, ou que le gouvernement britannique trompait le public sur ses intentions à l’égard des anciens habitants de Diego Garcia, dont beaucoup ont été déplacés dans les années 60 et 70 pour faire place à une base américaine. Comment la CIA aborde-t-elle l’affaire des soi-disant assassinats ciblés ? WikiLeaks nous a donné la vision interne de l’agence, ainsi que les méthodes qu’elle a développées pour mettre nos…

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Auteur: Alexander COCKBURN Le grand soir