Comparutions immédiates : chroniques d’une violence ordinaire

31 minutes. C’est le temps consacré, en moyenne, aux audiences de comparutions immédiates en France. Cette procédure accélérée, dans laquelle les personnes sont jugées directement à l’issue de leur garde à vue, est applicable pour presque tous les délits, pour peu qu’ils soient passibles d’au moins deux ans d’emprisonnement ou six mois lorsque l’auteur est interpellé en flagrant délit. Considérablement banalisée ces dernières décennies, elle s’est instituée dans tous les tribunaux correctionnels du pays, où des journées entières lui sont désormais consacrées. Stup’, vols, rébellions : on y voit défiler une petite délinquance précarisée qui écope de peines d’emprisonnement souvent sévères – la comparution immédiate multiplie par 8,4 la probabilité d’un emprisonnement ferme. 

La misère à la barre

Pierre* est Gabonais, arrivé en France en 2017. Sans papiers, sans domicile ni emploi fixe, il a été interpelé à Paris en possession de 30 doses de crack, soit un peu plus de 10 grammes. Comme la plupart des personnes jugées en comparution immédiate, son casier judiciaire porte déjà plusieurs condamnations pour des faits similaires. À peine vingt minutes après son arrivée dans la salle d’audience, la procureure requiert 10 mois d’emprisonnement. La défense tente alors de recontextualiser l’histoire, de la sortir du magma des affaires de la journée – il est presque 17 heures, le président doit être fatigué.

Elle décrit le parcours du prévenu, son départ du Gabon natal après une rupture familiale, le Maroc puis l’Espagne, les petits jobs dans la région parisienne, la rue enfin. “Une véritable spirale infernale”. Mais au moment de confirmer son adresse, Pierre hésite, il ne se souvient plus très bien. “Je suis chez un ami, c’est récent.” La cour paraît sceptique. “On vous a donc déclaré sans domicile fixe”, tranche le président. Finalement, il condamnera Pierre à 6 mois de prison, avec mandat de dépôt. Comprendre un aller direct pour la prison. “C’est l’idée, il faut les choper avant qu’ils ne s’évaporent dans la nature”, m’explique une pénaliste habituée de la chose.  

Les personnes sans domicile fixe sont surreprésentées en comparution immédiate. « On retrouve ici l’une des fonctions que remplit cette procédure et que remplissait déjà son ancêtre, la procédure de flagrant délit, à savoir le contrôle des « sans aveu » ou « vagabonds », ces populations sans attaches dans une communauté instituée, considérées…

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Auteur: Le Média