Dans La combinatoire straight. Colonialisme, violences sexuelles et bâtard·es du capital, paru récemment aux éditions Amsterdam, la sociologue et philosophe Jules Falquet aborde une série de questions fondamentales de la théorie féministe, qui concernent les rapports entre patriarcat, colonialisme et capitalisme, sous l’angle de ses recherches sur l’histoire de la colonisation européenne d’Abya Yala (le nom d’origine kuna utilisé dans une perspective décoloniale pour désigner l’Amérique latine et les Caraïbes). Elle y développe le concept de combinatoire straight pour analyser le système d’organisation de la procréation, des alliances matrimoniales et de filiation hétéropatriarcales, racistes et coloniales qui rend possible le continuum des violences sexuelles et sexistes, que la vague la plus récente des luttes féministes a mis au cœur de son combat. Nous en publions ici l’introduction.
Introduction
A la noche de que salimos
Cet essai est né de deux séries de questions que je me posais depuis longtemps. D’abord, d’une question un peu simpliste mais lancinante : la « capacité procréative » des femmes est-elle le réel fondement de leur oppression par les hommes ? Je dois bien dire que ne suis pas sûre que les hommes « envient » aux femmes cette supposée capacité, qu’elles ne peuvent en vérité pas toutes exercer et qu’elles ne peuvent de toute façon exercer que si elles obtiennent d’un mâle en général, ou d’un homme en particulier, des spermatozoïdes – ce qui n’est pas toujours si simple. Cependant, quand on observe la résistance sociale – des hommes surtout, il faut bien le dire – face au droit des femmes à contrôler leur fertilité, il y a quand-même de quoi s’interroger. Pour les unes, interdiction de l’avortement,…
Auteur: redaction