Regardez cette sole. Elle ne nage pas, elle rampe sur le fond d’un lagon, Égypte. Ses nageoires dorsales et anales sont animées de mouvements ondulatoires. Elle les utilise comme des pattes pour se déplacer sur le fond.
Peter Wirtz et ses collaborateurs ont récemment montré que ce comportement ne se rencontre que chez les poissons plats (dits « pleuronectiformes »), un groupe de plus de 800 espèces, dont les soles, les carrelets et les limandes.
En visionnant de nombreux films sur 85 espèces de poissons plats évoluant dans leur milieu naturel, ils ont pu montrer que ce mode de déplacement existe chez la majorité des poissons plats à l’exception du turbot indien (Psettodes erumei, famille des psettodidés, différents des turbots de l’hémisphère nord), qui ne fait que nager sans prendre appui de la sorte sur le fond.
Ici, on a donc un caractère comportemental (ramper avec les nageoires), qui vient compléter la classification des poissons plats, où les animaux du genre Psettodes étaient éloignés des autres poissons plats, mais sur la base de caractères osseux (les « pleuronectiformes » étaient définis auparavant sur un crâne singulier et des nageoires recouvrant le dos et le ventre).
Le comportement pour classifier les espèces
Cette confirmation la classification des espèces au moyen d’un caractère comportemental est unique.
En effet, historiquement, la classification des êtres vivants s’est construite sur des spécimens « secs » préservés dans l’alcool, des coquilles et des squelettes. Pour les vertébrés, il s’agissait donc d’une histoire de squelettes : les mammifères étaient caractérisés par le mode d’articulation de leur mâchoire avec le crâne, les dinosaures par notamment l’anatomie crânienne ou leurs dents aplaties latéralement.
Puis, à partir du milieu des années 1980, l’étude comparée des séquences d’ADN des espèces a à la fois bouleversé et largement…
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Auteur: Bruno Chanet, Chercheur attaché-honoraire, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)