Contaminations radioactives : « Au Japon, s'inquiéter revient à s'opposer au gouvernement »

Au-delà des conséquences sanitaires et économiques, une catastrophe nucléaire comme celle de Fukushima a aussi des conséquences sociales et démocratiques. Christine Fassert s’est penchée sur ces dernières dans le cadre du projet de recherche franco-japonais Shinrai. Entretien.

Basta ! : Sur quel cadre le gouvernement japonais s’est-il appuyé pour gérer l’accident nucléaire de Fukushima ?

Christine Fassert : Le gouvernement japonais a mis en place un dispositif de zonage dont l’objectif principal est de localiser la radioactivité, en définissant des zones. Le gouvernement s’est appuyé sur le cadre réglementaire établi par les deux grandes institutions nucléaires internationales que sont l’AIEA (Association internationale pour l’énergie atomique) et la CIPR (Commission internationale de radioprotection). D’après la CIPR, la meilleure solution n’est pas forcément d’atteindre la dose de radioactivité la plus faible mais de faire « plus de bien que de mal » avec les mesures de radioprotection. Il s’agit de mettre sur un même plan les inconvénients causés par une exposition aux radiations avec ceux liés à des mesures de protection comme l’évacuation.

La mesure phare a été de relever le seuil de radioactivité de 1 à 20 mSv/an (le millisievert, mSv, est l’unité de mesure utilisée pour mesurer l’impact des rayonnements sur le corps humain) pour définir les zones à évacuer. Comment le gouvernement a-t-il fait ce choix ?

La CIPR recommande de fixer la dose maximum pour le public à 1 mSv/an en temps normal et prévoit qu’en cas d’accident, ce seuil puisse être relevé. Les autorités se sont basées là-dessus et ont justifié leur choix à partir d’arguments scientifiques insistant sur la non-dangerosité des faibles doses de radioactivité – ce qui ne fait pas consensus. Le choix des 20 mSv/an a cristallisé une partie des critiques adressées au gouvernement, y compris en son sein. C’est après cette décision que le conseiller spécial en radioprotection du cabinet du Premier ministre, le professeur Toshiso Kosako, démissionne en larmes à la télévision : « Si j’approuvais cette décision, je ne serais plus un chercheur. Je ne voudrais pas que mes enfants soient exposés à de telles radiations. »

Mais cette décision a aussi été motivée par des critères sociaux et économiques. L’IRSN a par exemple calculé que si un seuil à 10 mSv/an avait été choisi, 70 000 habitants de la ville de Fukushima, située à 50 km de la centrale, auraient dû être…

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Auteur: Adèle Cailleteau