Contre-histoire des États-Unis

« Ce livre répond à une question simple : pourquoi les Indiens d’Amérique ont-ils été décimés ? » C’est la première phrase de la préface du traducteur Pascal Menoret. J’aurais plutôt dit : « Comment les Indiens d’Amérique ont-ils été décimés ? » Et même si cette préface est excellente par ailleurs, je contesterai le choix du verbe décimer : selon le Dictionnaire historique de la langue française (Robert), il « est emprunté au latin decimare “punir de mort une personne sur dix désignée par le sort”, châtiment surtout infligé aux soldats d’une troupe qui avait failli à son devoir ». Or jamais elles ne faillirent à leur « devoir », les troupes diverses et variées qui massacrèrent sans relâche les habitants des terres convoitées par les colons.

Quelques lignes plus loin, Pascal Menoret utilise le terme approprié : « […] Roxanne Dunbar-Ortiz montre que les États-Unis sont une scène de crime : il y a eu génocide […] » Avant de refermer notre dictionnaire, voyons ce qu’il en dit : « Génocide, d’abord employé [après son invention en 1944 par le juriste juif polonais Lemkin] à propos des nazis et de leur “solution finale” du problème juif, se dit de la destruction méthodique d’un groupe ethnique et par extension, de l’extermination d’un groupe en peu de temps. » Je souligne ce « peu de temps » car je ne vois guère de quoi il s’agit – en l’occurrence, celle du génocide des Indiens d’Amérique, la chose a duré un certain temps, tout de même. On pourrait même dire qu’elle dure encore.

Un peu plus loin dans sa préface, le traducteur donne quelques éléments biographiques qui expliquent d’où vient Roxanne Dunbar-Ortiz : « […] militante de la cause amérindienne depuis le début des années 1970 », elle est née au Texas en 1938 avant de grandir en Oklahoma « entre la mémoire d’un grand-père anarchosyndicaliste et une mère passionnément baptiste et à moitié indienne. C’est en passant par la Palestine [qu’elle] découvrit son ascendance indienne. Étudiante à l’université de l’Oklahoma, elle rencontra un étudiant palestinien, Saïd Abu-Lughod, qui lui raconta l’histoire de l’occupation et du nettoyage ethnique de la Palestine. Les Palestiniens étaient les Indiens du Moyen-Orient, déplacés, éparpillés, niés en tant que peuple et privés d’un État. Roxanne Dunbar-Ortiz qui, dans une autre vie, avait eu honte de sa “vieille sorcière indienne alcoolique” de mère, comprit alors que ses…

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Auteur: lundimatin