Contre la grippe aviaire, stoppons l'élevage intensif

Nicolas Alep a déserté sa carrière d’informaticien pour s’occuper d’agriculture. Il est membre de l’association Technologos et coauteur de Contre l’alternumérisme (2020, éd. La Lenteur) et de Reprendre la terre aux machines (2021, éd. Le Seuil).


Au moins 19 millions de canards, oies, poules, dindes, pintades… ont été abattus entre août 2021 et mai 2022 pour mettre fin au pire épisode de grippe aviaire que la France ait connu. Les crises dans l’élevage se succèdent d’année en année. C’est désormais au tour de la faune sauvage d’être massivement touchée, à une échelle telle qu’on peut craindre pour l’avenir de certaines espèces, comme le Fou de Bassan.

Une nouvelle crise se profile dans les élevages, avec de nouveaux cas de contamination, de nouveaux abattages de masse, de nouvelles zones règlementées et une nouvelle fuite en avant technicienne. Un empilement insensé de services de l’État ou d’organismes sont impliqués : ministère de l’Agriculture, DGAL, Draaf, Anses, DDETSPP, DDT, Dreal, ARS, OFB, DDTM, SDIS, gendarmeries, conseils départementaux, chambres d’agriculture… Les bases de données de suivi des volailles sont gérées par les interprofessions : Anvol pour les gallinacées et Cifog pour les palmipèdes. Vous n’y comprenez rien ? C’est normal, personne n’y comprend quoi que ce soit !


À cause de la grippe aviaire, le Fou de Bassan, un oiseau sauvage, est menacé. © Didier Flury/Reporterre

Découper le sujet en « sous-crises », celle de l’élevage, celle de l’accouvage, celle des oiseaux sauvages, celle du printemps dernier ou celle de cet automne, c’est la certitude de n’y rien comprendre. C’est l’assurance de n’y apporter que des solutions techniques, occasionnant des effets dévastateurs. La faune sauvage ramène le virus ? Isolons donc les élevages de l’extérieur, enfermons les volailles et laissons des dizaines de milliers de poulets ou de canards être contaminés par les flux — d’animaux, d’aliment ou de personnel — puis exhaler un air toxique concentré et pulsé aux alentours par les ventilations dynamiques. La réalité crue est insoutenable ? Euphémisons-là avec un vocabulaire technique, ne faisons plus d’abattages de masse mais des opérations de dépeuplement, des zones de protection et des zones de surveillance. Enfermons les volailles dans des bâtiments surpeuplés, et appelons « biosécurité » le fait d’y pénétrer en scaphandre.

« Ceci n’est pas une crise sanitaire, c’est une crise de…

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Auteur: Reporterre