Contre la paralysie virale

Nous sommes cloués par l’inertie, neutralisés par les annonces, par l’attente des annonces, par les annonces d’annonces …

Nous sommes hébétés par les murs qui se succèdent à l’horizon et nous ne décidons rien. Nos espaces de discussions ont été resserrés, restreints, condamnés à une clandestinité de misère. Nous sommes abrutis par nos courses entassés et nos conversations tournent en rond, nous ne parlons plus de politique, mais de masques, de (re)confinement, de couvre-feu. Nos esprits sont englués dans cette marée sourde, figées comme les affiches de films, comme les annonces d’expositions fantômes, fermés comme les salles de concert. Nous ne savons plus contre quoi protester : il y a bien un virus, il est bien dangereux, il y a bien des gens qui meurent et des guérisseurs qui s’épuisent.
Alors…

Je ne sais pas si le passé se répète, si l’histoire n’est qu’un éternel recommencement, mais il arrive que la pensée d’un auteur qui écrit plusieurs décennies avant nous et sur un sujet bien différent, nous aide pourtant à comprendre, et que ses mots deviennent un peu les nôtres. Voilà ce que j’ai lu récemment dans les dernières pages du Monde d’hier de Stefan Zweig ; il est exilé et réfugié à Londres en 1938 et tout le monde attend de savoir s’il y aura la guerre ou non.

« On était assis là à attendre et à fixer le vide comme un condamné dans sa cellule, emmuré, enchaîné dans cette attente interminable, absurde et sans force, et nos compagnons de prison, à droite et à gauche, interrogeaient et conseillaient et bavardaient, comme si un seul d’entre nous savait ou pouvait savoir ce qu’on nous réservait. Et le téléphone sonnait, un ami demandait ce que je pensais. Il y avait le journal et il ne faisait que nous embrouiller un peu plus. Il y avait la radio et chaque langue contredisait l’autre. On descendait dans la rue et le premier que je rencontrais me demandait mon avis, à moi qui n’en savais pas plus que lui, voulait savoir si nous aurions la guerre ou non. Et l’on interrogeait à son tour, en proie soi-même à cette agitation, et on parlait et on bavardait et on discutait, bien qu’on sût parfaitement que tout le savoir, toute l’expérience, toute la prévoyance qu’on avait accumulées, qu’on avait appris à acquérir, n’avaient aucune valeur au regard de la décision prise par cette dizaine d’inconnus, que pour la seconde fois en vingt-cinq ans on se retrouvait impuissant et sans volonté face au destin et que vos…

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Auteur: lundimatin