Contre le particularisme des dominants, pour l’universalité insurgée

Dans son livre Le Malentendu. Race, classe et identité, Asad Haider propose une critique des politiques de l’identité et avance des perspectives pour penser un antiracisme politique et radical. Avec l’aimable autorisation des éditions Amsterdam, nous mettons à disposition un extrait du chapitre 6, où il discute le problème de l’universalisme, réfutant la fausse alternative entre un universalisme d’en haut, uniformisant et paternaliste d’un côté, et un particularisme de l’identité qui enferme les subalternes dans un statut de victime. Se réclamant de l’héritage de la Révolution haïtienne et de la Déclaration des droits de l’homme de 1793, il défend ainsi la piste de l’universalité insurgée, partant des combats singuliers mais visant la libération de tou-tes.

Chapitre 6 – L’universalité

Au moment où Ronald Reagan inaugurait l’ère néolibérale, mes parents ont émigré aux États–Unis depuis Karachi, au Pakistan. Espérant poursuivre leurs carrières universitaires dans un climat de liberté intellectuelle et d’abondance matérielle, ils se sont établis en plein cœur de la Pennsylvanie rurale, où l’on ne trouvait pas de mangues dans les supermarchés.

En janvier 2017, alors que je me trouvais au milieu d’une foule de manifestants à l’aéroport international de San Francisco, j’ai imaginé leur arrivée. Comme c’est souvent le cas dans les aéroports, il y avait là des gens de nationalités, d’âges et de dispositions variées. Mais au lieu de la fatigue et de -l’anxiété habituelles, la foule vibrait d’énergie et de colère. Venus pour protester contre l’interdiction -d’entrée des musulmans sur le territoire américain que Donald Trump venait de prononcer dès les premières semaines de son mandat, les manifestants scandaient : « Bienvenue à tous les réfugiés ! » Ils étaient tellement nombreux qu’ils avaient réussi à bloquer tous les vols au départ. En voyant un jeune garçon qui s’était confectionné une pancarte où était inscrit « Fils de réfugié », j’ai songé au rôle déterminant qu’a joué pour moi l’avion qui a transporté mes parents jusqu’à ce pays. Ce moment m’a rappelé tout ce que cette loi menaçait de détruire – non seulement des familles, mais aussi les vies et les rêves de tous ceux qui avaient traversé l’océan en quête d’une vie nouvelle.

Les désirs qui poussent les migrants à partir peuvent être divers, mais ils ont tous en commun ce que Sandro Mezzadra appelle « le droit de s’échapper[1] » : le…

La suite est à lire sur: www.contretemps.eu
Auteur: redaction