Contre les passoires thermiques, ils brûlent leurs factures énergétiques

Paris, reportage

« Tous les soirs, je dors avec un sac de couchage, deux plaids et une couverture. Mon linge met quatre jours à sécher. Est-ce normal ? Non. » Lucie a 23 ans et vit au rez-de-chaussée d’un immeuble à Poissy (Yvelines). Le micro dans le creux de la main, sur le parvis de Bercy, à Paris, elle raconte ne plus pouvoir se chauffer. L’hiver dernier, sa facture d’électricité avait grimpé jusqu’à 147 euros par mois. « L’écran publicitaire de ma rue consomme plus que moi. Doit-on être une pub pour avoir le droit d’être chauffée dans ce pays ? » Sa voix chevrotante détonne avec son visage empli de colère. « Aujourd’hui, je brûle ma facture ! »

Le 24 novembre, à l’occasion de la journée contre la précarité énergétique, des dizaines d’activistes ont bloqué l’entrée du ministère de l’Économie et des Finances. Sous le regard embarrassé des quelques policiers présents, de petits feux ont été allumés, attisés par les factures énergétiques des citoyennes et des citoyens révoltés. Une action forte de symbolique, portée conjointement par Les Amis de la terre, Dernière rénovation, Alternatiba Paris et l’Alliance citoyenne Aubervilliers.

En 2021, 1 ménage sur 4 confiait déjà avoir des difficultés à régler les factures de gaz et d’électricité, selon l’Observatoire national de la précarité énergétique. L’affaiblissement du bouclier tarifaire et la hausse présagée des prix de l’énergie de 15 % en 2023, notamment du fait de la guerre en Ukraine, laissent entrevoir une inévitable dégradation des conditions de vie des plus précaires. « Ce n’est pas un fait divers, s’époumone Gabriel Mazzolini, porte-parole des Amis de la terre. On parle de 12 millions de personnes qui vivent dans des logements parfois indécents et dangereux pour leur santé. »

« Il y avait de la moisissure partout, même sur mon oreiller »

À l’angle de la rue de Rambouillet, l’un des activistes guette l’horizon, ébloui par la lueur matinale. Il est 9 h 50, le signal est donné. En quelques secondes, une fourgonnette blanche débarque sur l’avenue qui jouxte le ministère. Deux militants en descendent et sortent du coffre des pancartes, banderoles, brûleurs et copeaux de bois. Les forces de police ont à peine le temps de réagir que la route et les accès à l’imposante bâtisse sont déjà entravés par une chaîne humaine.

Parmi eux, dissimulé derrière ses verres de lunettes embués, se trouve Yves. Il est le papa d’une fille de 13 ans. Pendant…

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Auteur: Emmanuel Clévenot Reporterre