Contre l'individu

Il y a une perspective communiste de la création spécifique, il convient d’en travailler les fondements. L’individu est une fiction existentielle qui est apparue dans des conditions historiques données. Cette fiction, centrale dans les perspectives libérales, se construit sur une abstraction – celle d’un être qui se construit par lui-même, autonome, qui peut s’extraire du monde – abstraction qui conduit les comportements}. L’un des avatars forts de cette fiction individuelle est l’artiste, le créateur, l’intellectuel ; en un mot, ceux des gens qui sont reconnus comme faisant surgir des expressions élaborées – qui seraient distinctes des expressions de tout-un-chacun – et inséparables de leur propre intériorité. L’exceptionnalité de l’œuvre serait alors la conséquence de l’exceptionnalité de l’artiste, et inversement. Ce qui nous intéresse dans les lignes qui vont suivre, c’est de contribuer, par l’étude d’expériences historiques, à la compréhension du caractère collectif de toute création, à la mise en lumière des situations et des discours qui sabrent et sapent la fiction de l’individu et à la possibilité de pratiques prenant appui sur une perspective communiste pleine, qui comprend à la fois le versant producteur et le versant existentiel.

Cet excellent article nous a été confié par l’excellente revue Parades dont le troisième numéro intitulé Battre le fer vient de paraître.

Le printemps 1968 a une singularité historique : ce qui s’est opéré sur les barricades et dans les lieux occupés a bouleversé un nombre particulièrement impressionnant de vies. Il a aussi vu naître une vivacité singulière dans les prises de positions sur un certain nombre des questions qui nous intéressent. La révolution semblant imminente à certains, il s’agissait de discuter de la vie nouvelle qui ne tarderait pas à s’ouvrir et de ce qu’il conviendrait d’abandonner dans un état socialiste, ou dans le Socialisme tout court. Bien sûr, la perspective révolutionnaire n’était pas la plus répandue, même si beaucoup y ont cru, et le réformisme, à travers ses organisations et son imaginaire moteur, a joué son rôle dans le déploiement de l’événement. D’aucuns ont oublié la plus grande grève de l’histoire de l’Hexagone pour réduire l’insurrection à un conflit générationnel ; d’autres ont fait le récit des radicalités ; d’autres encore celui des institutions et de la résilience de l’État, etc. La multiplicité des lectures ainsi que la…

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Auteur: lundimatin