Contrôles des Caf : « Faire de la fraude une question centrale, c'est s'attaquer aux organismes de protection sociale »

Basta ! : Peut-on dater le moment où les contrôles des bénéficiaires d’allocations de la Caf et de minima sociaux ont pris de plus en plus d’ampleur ?

Vincent Dubois : L’obligation légale des organismes de protection sociale d’effectuer des contrôles est aussi ancienne que la Sécurité sociale elle-même. Mais ces contrôles ont longtemps été de simples vérifications bureaucratiques tout à fait routinières et sans enjeu important. Si on prend le cas des caisses d’allocation familiale, sur lequel j’ai essentiellement travaillé, les contrôles qui étaient réalisés dans les années 1970 et 1980 concernaient les allocations logement et avaient pour but de vérifier les conditions de salubrité et de taille minimum des pièces. Cela n’avait strictement rien à voir avec le contrôle des bénéficiaires tel qu’on le connaît aujourd’hui. C’est avec le développement des préoccupations gestionnaires et la création du RMI [revenu minimum d’insertion, remplacé depuis par le RSA] en 1989 que se sont enclenchées des politiques de contrôle. Au milieu des années 1990, un premier rapport sur la question des « pratiques abusives » en matière d’allocations sociales est remis au gouvernement. Dix ans plus tard, en 2005, les organismes de protection sociale, et en particulier la Caisse nationale d’allocations familiales (Cnaf), se sont dotés d’une politique de contrôle avec des dispositifs techniques, juridiques et des effectifs dédiés.

Cela s’est fait sur impulsion des gouvernements ?

Jusqu’à une période relativement récente, il y avait une certaine gêne au sein des organismes de protection sociale à l’égard du développement d’une politique de contrôle qui serait un moyen de surveiller les pauvres plutôt que de les aider. Mais la conversion s’est faite. Et aujourd’hui, on ne retrouve pas ou peu les réticences qui pouvaient encore s’exprimer à tous les étages de la hiérarchie quand je faisais mes premières enquêtes au début des années 2000. Du côté des injonctions extérieures, il y a eu dans la seconde moitié des années 1990 les réformes Juppé, qui ont transformé la gouvernance de la Sécurité sociale. Le gouvernement a pris alors un rôle beaucoup plus important dans la gestion des organismes de protection sociale. Au même moment on voit apparaître des objectifs en matière de contrôle des bénéficiaires dans les « conventions d’objectifs et de gestion » signées entre l’État et les caisses de Sécurité sociale. C’est aussi à partir des…

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Auteur: Rachel Knaebel