Coordonner pour dominer. À propos de Technoféodalisme, de Cédric Durand

Cédric Durand, Technoféodalisme. Critique de l’économie numérique, Paris, Zones, septembre 2020, 256 p.

On pourra lire un extrait du livre ici. 

Cédric Durand propose dans son nouveau livre une théorie audacieuse et solidement informée de l’économie numérique. On peut en retenir, me semble-t-il, trois thèses principales.

 

Le mythe de la destruction créatrice

La première thèse est négative. La première partie de l’ouvrage s’attache en effet à réfuter le « consensus de la Sillicon Valley ». Selon cette idéologie apparue à l’époque de l’essoufflement de la croissance industrielle et du développement de l’informatique commerciale, il faudrait bâtir un nouveau « régime de croissance propre au numérique » (p. 35), fondé sur l’innovation. Il s’agit donc du versant dynamique de l’idéologie néolibérale. Là où celle-ci insiste sur la discipline à tous les niveaux (discipline individuelle de l’épargne, discipline exercée par la concurrence sur les firmes, discipline austéritaire de l’État), l’idéologie de la Sillicon Valley, pour sa part, ouvre des perspectives d’expansion, de nouveauté, à condition d’encourager, par diverses collaborations entre public et privé, par des incitations fiscales, et par tous les moyens disponibles, le développement de petites firmes de pointe. Ce discours sur la destruction créatrice, qui combine la promesse d’horizons heureux avec le frisson de l’aventure, a souvent séduit les hommes politiques.

Or, selon Durand, il est clair que cette idéologie a été réfutée par le cours de l’histoire, de plusieurs manières. Macroéconomiquement, la croissance a été très limitée dans les pays riches conquis par cette idéologie, loin des niveaux atteints dans les décennies d’après-guerre, car si l’innovation a bien eu lieu, elle s’est concentrée à un degré impressionnant dans des zones géographiques circonscrites, notamment en Californie et en Israël,…

Auteur: redaction
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