Francesco Silvestri. — « Le docile », armoirie universitaire, XVIIe siècle, palais Buonaccorsi, Macerata.
Une centaine de théâtres est occupée. Les directeurs de théâtres en sont meurtris. L’Union syndicale des employeurs du secteur public du spectacle vivant considère que choisir de ne pas ranger les banderoles et oublier les revendications est une « décision inutile » : maintenant qu’on a la chance, le bonheur, la joie étincelante d’avoir l’autorisation de rouvrir, il serait effondrant que la culture risque « d’être sacrifiée par ceux-mêmes qui défendaient son caractère essentiel », pour reprendre les termes proprement désopilants de quatre d’entre eux. Ces derniers, responsables mensualisés de grands établissements, touchant à l’occasion des droits d’auteur en qualité de metteurs en scène, incitent aimablement les obstinés à poursuivre « le mouvement social par d’autres moyens ». Il est vrai que demander une deuxième année blanche, et le retrait de la « réforme » de l’assurance-chômage, c’est un peu déplacé, quand on a la chance, le bonheur, la joie étincelante d’avoir l’autorisation de rouvrir. Madame Bachelot, visionnaire, l’avait dit dés le début, dans les mêmes termes : « inutile ». Et vient de le redire : « il faut arrêter ». C’est un très joli moment. Impeccablement révélateur du vide chatoyant que recouvre le mot « culture », qui ne désigne plus ici que le divertissement plus ou moins chic, bien proprement nettoyé de toute inscription sociale, bien gentiment accordé aux enjeux des représentants des forces de l’ordre en place. Signant ainsi avec componction l’abandon depuis longtemps engagé des objectifs de la décentralisation théâtrale. Ce qui n’empêchera personne, parmi ces zélés patrons, d’entonner, si l’occasion se présente, le refrain éculé des « jours heureux ».
Lire aussi Evgeny Morozov, « Au-delà de la vie privée : un autre monde numérique est possible », Le Monde diplomatique, 11 mai 2021.
Dans le même esprit de responsabilité sans faille, le pass sanitaire est accueilli avec reconnaissance par les « structures », comme on dit, concernées. Rappelons qu’au-dessus de mille spectateurs, il faudra donner la preuve certifiée qu’on est inoffensif. Y compris les enfants à partir de onze ans. Mais non compris les organisateurs et salariés des événements à mille spectateurs ou, folie folie, davantage — la logique est un sport de combat en notre…
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Auteur: Evelyne Pieiller