Cyberattaques contre les collectivités territoriales : le pire est-il à venir ?

Depuis le début de la crise du Covid-19 et notamment durant la période de confinement, on assiste à une augmentation sans précédent des cyberattaques touchant les collectivités territoriales françaises (régions, départements, communes, communautés de communes, etc.). Toutefois, ces dernières sont souvent occultées par celles qui affectent les établissements de santé du fait de leurs conséquences potentiellement dramatiques, à l’image de l’attaque qui a touché, début décembre, le centre hospitalier de Versailles, au Chesnay-Rocquencourt (Yvelines).

Nos travaux sur la vulnérabilités des collectivités territoriales françaises face aux cyberattaques ont notamment été sanctionnés par la première (et seule à ce jour) thèse en sciences de gestion soutenue dès 2012 et donné lieu à plusieurs articles scientifiques ultérieurs. Ces travaux furent l’occasion d’appeler à la mise en place d’une politique publique nationale d’accompagnement des collectivités territoriales relativement à la nécessaire sécurisation de leurs systèmes d’information (SI), malheureusement sans grand succès.

Si nous aurions préféré avoir tort quant aux évolutions envisagées, force est de constater que le sujet est finalement apparu sur l’agenda médiatique depuis la crise du Covid pour ne plus la quitter depuis lors. Eu égard à la structuration territoriale française (45 205 collectivités locales en 2022), ces dernières revêtent une importance prépondérante, autant pour leur proximité directe avec les citoyens qu’en termes de services rendus. C’est vraisemblablement ce constat qui a amené de plus en plus de groupes de hackers à les choisir pour cibles.

Les cyberattaques menées demeurent pour le moment essentiellement liées à l’envoi de ransomwares (logiciels malveillants se diffusant à l’intérieur d’un système d’information et chiffrant l’ensemble des données accessibles) et visent un objectif exclusivement pécuniaire au travers de la demande d’une rançon dont le paiement préalable conditionne l’envoi (ou pas) d’un code de déchiffrement. Ce type d’offensive s’avère effectivement d’une efficacité redoutable en cas de sauvegarde non redondante.

Triple défi numérique

Appelant de nos vœux une véritable prise de conscience des enjeux liés à une mauvaise sécurité des SI, il nous semble impératif d’alerter sur d’autres types d’atteintes aux données des collectivités, d’autant plus dangereux selon nous qu’ils s’avèrent potentiellement cumulatifs.

À trop se focaliser sur les rançongiciels touchant leurs serveurs, on en vient à oublier que les collectivités territoriales se situant intrinsèquement à l’intersection de trois univers (politique, économique et sociétal), celles-ci relèvent quotidiennement trois défis numériques majeurs : l’administration électronique, l’e-démocratie et la dématérialisation des appels d’offres.

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Dépassant largement la mise à disposition des administrés de nouveaux moyens de communication, l’administration électronique, régulièrement plébiscitée par les Français depuis plusieurs années, est devenue un outil stratégique de service public. Et cet état de fait devint encore plus évident durant la période de confinement relative au Covid-19 : il est aisé d’imaginer l’impact politique et social qu’auraient engendré des cyberattaques privant des citoyens d’un moyen d’interaction devenu d’autant plus essentiel qu’ils se trouvaient dans l’incapacité de se déplacer pour effectuer la moindre démarche administrative. Il convient par conséquent de sécuriser les SI afférents afin d’assurer une continuité de service public en cas de crise majeure.

Le même problème se pose en ce qui concerne l’e-démocratie. Nous avons récemment mis en évidence l’existence d’une typologie des interactions entre la collectivité et ses administrés selon le support numérique utilisé : interaction forte (échanges directs entre les citoyens et les exécutifs territoriaux), modérée (enquête en ligne ou dialogue sur les réseaux sociaux) ou faible (remontée d’informations ponctuelles à l’initiative des administrés).

Le degré de gravité d’une cyberattaque touchant les SI…

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Auteur: Rémy Février, Maître de Conférences HDR en Sciences de Gestion – Equipe Sécurité-Défense-Renseignement, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)