Dans la longue nuit politique britannique

Après avoir rappelé la fonction politique de la monarchie au Royaume-Uni, Thierry Labica revient dans cet article sur les mesures annoncées par le nouveau gouvernement britannique conduit par Liz Truss. Il éclaire en outre la proximité des dirigeants avec les grands groupes pétroliers et le capital financier, et propose une analyse de cette séquence d’accélération néolibérale qui s’annonce désastreuse pour la population du pays.

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Pause funéraire avant la tempête

Le déluge médiatique et le faste cérémoniel ayant accompagné la mort et les funérailles de la reine Elizabeth II étaient à prévoir. Tout comme il était à prévoir que bien des sujets graves, anciens et nouveaux, seraient condamnés à la noyade dans un océan de mièvreries et d’hommages serviles. Le décès de la reine aurait pu et dû, bien sûr, être l’occasion de regards informatifs et nuancés sur l’empire et les années de décolonisation ; sur les immenses crimes commis au nom du royaume au Kenya, au Malaya, en Irlande du Nord et ailleurs encore, ou sur les liens entre cette monarchie et celles du Golfe. Plus urgent que les larmes de la jeune princesse Charlotte et sa broche sertie de diamants, on pense au souhait qu’expriment aujourd’hui divers pays du Commonwealth[1] de ne plus céder le rôle de chef de l’État à la ou au monarque anglais.e, et de devenir des républiques à part entière dans un processus de décolonisation arrivant enfin à son terme (la Barbade en 2021, la Jamaïque bientôt..).[2]

Tout le monde n’a donc pas jugé opportun de se prosterner devant l’archaïsme rutilant des salves d’honneur, des processions et des parades. Et au Royaume-Uni même, si en moyenne deux tiers de la population restent favorables au maintien de la monarchie, le recul de sa popularité chez les jeunes adultes a été très net au cours des dernières années (l’implication du prince Andrew dans l’affaire Epstein en a vraisemblablement été un facteur significatif).

Il y aurait beaucoup à dire sur la fonction politique du cérémonialisme et de son rôle dans la construction et la reproduction de pouvoir hégémonique dans l’histoire de l’État britannique lui-même. Son imaginaire et sa symbolique contre-révolutionnaires et restaurationnistes se trouvent au cœur de son processus de formation qui remonte aux temps de la Réforme protestante[3]. Il s’est consolidé par la suite dans la réaction à la part révolutionnaire de la guerre civile du milieu du 17ème siècle, et bien sûr, dans la réaction à la…

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Auteur: redaction