Dans le Sud-Ouest, des milliers de porcs, deux présidents et un ancien camp de concentration — Celia IZOARD, Colette BERTHES

Lundi 15 mars, Emmanuel Macron se rendra à Montauban, dans le Tarn-et-Garonne, pour une rencontre au sommet avec Pedro Sánchez, président du gouvernement espagnol. Ce sera certainement pour les deux chefs d’État l’occasion de se recueillir sur la tombe de Manuel Azaña, président de la République espagnole de 1936, mort en exil à Montauban en 1940, un an après la défaite contre Franco. Emmanuel Macron ne le sait peut-être pas, mais il s’apprête à mettre le pied dans une situation où il pourrait lui être difficile de célébrer tranquillement la mémoire de l’Espagne républicaine.

Depuis quelque temps, sur les marchés du Tarn-et-Garonne, surgissent des personnes affublées de masques de cochon qui entonnent à pleine voix les célèbres chants de la Guerre d’Espagne : “ El ejército del Ebro ! Rum balarum balarum bam bam ! ” Cette vision loufoque reflète en miroir l’obscénité d’un projet qui voit le jour à trente kilomètres de Montauban : un élevage intensif de porcs sur un ancien camp d’internement de républicains espagnols.

De nombreux descendants de Républicains vivent dans le Tarn-et-Garonne. Et pour cause : non loin de Montauban se trouve la commune de Sept-fonds, où fut construit en 1939 un camp de concentration – c’était le terme employé à l’époque – où le gouvernement français enferma les soldats anti-franquistes arrivés en France après la victoire du dictateur. Seize mille de ces combattants furent parqués dans le camp de Sept-fonds en qualité d’« étrangers soumis à une surveillance spéciale, dans l’intérêt de l’ordre et de la sécurité publics ».

En d’autres termes, ces soldats fortement politisés ne devaient pas se mêler à la population. Bon nombre y moururent de faim, de froid et de maladie. Certains furent ensuite dispersés dans des fermes, remplacèrent des ouvriers français dans des usines, des mines ; d’autres furent envoyés au service du travail obligatoire (STO) en Allemagne ou rejoignirent les rangs de la Résistance. Ensuite, à partir de 1942, le camp de Sept-fonds servit à emprisonner 295 Juifs, dont 26 enfants, raflés dans la région puis déportés à Auschwitz.

D’une simple ferme à l’élevage intensif de porcs

Une ferme s’installa en 1971 sur le site du camp, détruit en 1945, au milieu de quelques anciens baraquements couverts de ronces. En 1995, elle s’étendit pour devenir un élevage de porcs, un élevage « moderne », cette fois, un millier de cochons sur caillebotis parqués dans des bâtiments. Les…

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Auteur: Celia IZOARD, Colette BERTHES Le grand soir