Dans les Alpes, mobilisation contre la politique du « tout ski »

La Clusaz (Haute-Savoie), reportage

Ni Opinel, ni fourchette, ni couteau en bois. Tout ustensile capable de trouer la bâche d’une retenue collinaire est abandonné au pied du col de la Croix Fry. « Les sérums physiologiques également », insiste un gendarme. Quel danger représente ce liquide, plus utile pour soulager les effets des gaz lacrymogènes que pour saboter des infrastructures ? « Aucun. Je ne sais pas pourquoi on les laisse en bas », assure-t-il sans conviction.

Derrière le militaire, un chien renifleur passe les voitures au peigne fin. Une dizaine de gendarmes contrôle la route du col. Près d’une centaine patrouillent les environs de La Clusaz, station de sports d’hiver réputée de Haute-Savoie.

Randonnée-manifestation en direction de la retenue de l’Étale. © Moran Kerinec / Reporterre

Les militaires guettent les opposants aux retenues collinaires mobilisés à l’appel des Soulèvements de la Terre et d’Extinction Rebellion Annecy. Selon les organisateurs, 500 militants et soutiens sont venus participer à une randonnée-manifestation contre l’accaparement de l’eau au profit de la neige artificielle. Tous ont été fraîchement accueillis par les forces de gendarmerie.

Quatre balades étaient prévues le matin pour expliquer les enjeux économiques et les politiques publiques locales. Deux seulement ont pu se tenir. « J’ai été contrôlée cinq fois en une seule journée », soupire Camille, enfin arrivée au sommet du col. Quelques mètres plus loin l’attend le sixième. Pour protéger le modèle économique de son territoire, le préfet de Haute-Savoie a déployé un dispositif policier dissuasif.

La retenue collinaire de Balme, en Haute-Savoie. © Moran Kerinec / Reporterre

D’une terre de pâtures au rythme de vie rude, le pays du Reblochon est devenu dans les années 1960 celui du ski avec l’appui du plan Neige. Sous l’impulsion de l’État, des travaux d’aménagement ont fait émerger des stations d’altitude autour des domaines skiables. Objectif : accroître le tourisme hivernal de masse. « Cette politique a ancré la prospérité des habitants, on est passé d’une situation très difficile à l’abondance, explique Jacques, du collectif local Fier-Aravis. Malheureusement, la donne aujourd’hui n’est plus la même qu’en 1970, il faut changer de paradigme face au dérèglement climatique. » Un changement de braquet délicat : après 60 ans d’enracinement, le modèle du tourisme hivernal a pris en otage l’économie de la montagne.

« Depuis le premier…

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Auteur: Moran Kerinec Reporterre