Dans les années folles, une mode féminine encore très corsetée

Inspirées par la lingerie des XVIIIe et XIXe siècles chez Alexander McQueen ou par la garde-robe de Frida Kahlo chez Jean-Paul Gaultier, bon nombre de grandes figures de la haute couture se sont emparées du corset au cours des dernières décennies. Régulièrement, la presse spécialisée se plaît à annoncer son retour dans les garde-robes modernes où il est souvent présenté comme une pièce du vestiaire d’une féminité exacerbée, libre et assumée.

Pourtant, il y a cent ans, dans les années 1920, le corset semblait s’éloigner des silhouettes à la mode. L’accès des femmes au travail et de nouvelles habitudes de vie, moins codifiées, transforment le vestiaire féminin au lendemain de la Première Guerre mondiale.

La journée, on constate la persistance d’une ligne droite et éloignée du corps, un attrait pour le sportswear et les formes offrant une plus grande liberté de mouvement. Dès le XIXe siècle, l’essor des stations balnéaires où l’on tolère une garde-robe moins conventionnelle et plus confortable séduit les classes bourgeoises. Les travailleuses, quant à elles, apprécient de libérer leur démarche et leurs gestes par des coupes plus courtes et leurs formes par des vêtements moins près du corps.

Louise Brooks par Russell Ball, dans les années 1920.
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Le soir néanmoins, la sophistication reste de mise. Les robes raccourcies et décolletées dans le dos sont embellies de perles, sequins et broderies brillantes pour les sorties mondaines et les soirées dansantes. Ce rejet des conventions anciennes, vestimentaires et morales, notamment par les jeunes femmes, est cristallisé par la figure transgressive de la garçonne.

En plus d’un corps virilisé, dont les épaules et les hanches doivent désormais sembler alignées, les magazines mettent en avant la nouvelle mode des cheveux courts, en apparence plus simple d’entretien. Cette épure vestimentaire, associée à un corps plus largement dévoilé, signifierait donc l’abandon du dessous roi depuis plusieurs siècles : le corset.

Une allure de jeune garçon

La presse spécialisée a souvent recours au vocabulaire de l’enfance pour désigner la nouvelle allure androgyne). On parle ainsi volontiers de « silhouette de jeune garçon » ou encore de « chevelure d’éphèbe ». Le corps fait l’objet de toutes les attentions : activités sportives, massages, rituels de beauté à pratiquer chez soi ou en salons et régimes drastiques sont vantés.

Pour celles qui souhaiteraient des méthodes plus rapides, de nombreux conseils nutritionnels et des publicités pour des coupe-faim sont proposés au sein des pages des revues. Pour les femmes dont les formes perdurent, le corset ou la gaine présentent l’avantage de minimiser les hanches ou la poitrine. Des bandages en tout genre permettent aussi d’amincir cous, seins et chevilles. Rappelons aussi que pour les femmes venant des milieux populaires, l’accès à ces salons de beauté est coûteux et chronophage. Quant aux produits de régime, ils représentent un achat régulier qu’elles ne peuvent se permettre. Pour les convaincre, des publicités proposent des coupe-faim dont les mérites sont à la fois de nourrir et de faire économiser de l’argent sur les repas !

Ainsi, l’acquisition d’une pièce de lingerie, par l’intermédiaire des grands magasins ou de la vente par correspondance, est un investissement moins important et plus durable. Le corset continue donc d’être la solution miracle pour obtenir dans l’instant une silhouette de jeune fille moderne, mince et galbée, valorisée tout au long de la décennie. Le temps de la libération n’est donc pas encore venu !

Le corset, symbole d’une morale conservée

Les formes de contraintes pour le haut de l’anatomie féminine ont porté des noms différents au fil du temps : corps, corps piqué, corps à baleines ou corset.

La discipline corporelle des apparences, matérialisée par le port du corset, symbolise la droiture de l’esprit et de l’âme et est avant tout défendue par les milieux aristocratiques puis bourgeois. Enlever le corset, c’est faire preuve d’une très grande liberté…

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Auteur: Marine Chaleroux, Doctorante en histoire contemporaine, Université d’Angers