Dans les campagnes, où est passée la gauche ?


Mathieu Yon. © Enzo Dubesset / Reporterre
Le néopaysan Mathieu Yon est chroniqueur pour Reporterre. Il vous raconte régulièrement les joies et les déboires de son installation dans la Drôme en tant que maraîcher biologique en circuit court.


Je sens un drôle de lien avec François Ruffin. Le 28 juin 2019, j’étais maraîcher dans l’Hérault, à l’épicentre de la canicule et du nouveau record national de températures positives. Il faisait 45 °C à l’ombre ce jour-là. Mes semis de carottes venaient à peine de percer. Je me souviendrai toujours de cette sensation d’étouffement lorsque je suis sorti à midi, pour leur donner un voile d’ombrage, mais aussi pour faire l’expérience physique de ce que signifiait concrètement le changement climatique.

La nature était en suspens, figée, comme si le temps s’était subitement arrêté. Cette nuit-là, j’ai fait un rêve étrange. François Ruffin avait lancé un grand mouvement agricole dans la Creuse, en reprenant les terres aux zones commerciales et à la grande distribution, pour les redistribuer aux paysans sans terre. Et il me demandait de venir le rejoindre. Je me suis réveillé, avec l’idée de raconter mon rêve à François Ruffin lui-même. Je ne le connaissais pas, mais je savais qu’il était député en Picardie, donc pas vraiment la porte à côté.

En tapant « Ruffin » sur internet, je découvris qu’il passait à Montpellier le surlendemain pour une conférence. Je pris cela pour un signe et décidai d’aller l’écouter. À la fin de la rencontre, au moment où il se dirigeait dans les rues de Montpellier jusqu’à l’esplanade Charles-de-Gaulle, je m’approchai de lui, et je lui racontai mon rêve. Il me répondit avec humour qu’il n’était pas dans la Creuse, mais que je pouvais venir faire du maraîchage en Picardie, et qu’on m’accueillerait. Notre échange s’arrêta là.

Depuis l’élection présidentielle, et ses résultats que tout le monde connaît, je suis travaillé par une question : que s’est-il passé, pour que le monde rural soit à ce point oublié par la gauche ?

La facilité de l’entre-soi

J’ai grandi à la campagne, avec des amis qui étaient les enfants des agriculteurs du coin, et d’autres qui étaient les enfants des néoruraux. Les fêtes de village, même si elles finissaient avec quelques bagarres, étaient des moments de convivialité, où toutes les classes sociales se retrouvaient sur la place du village. Je ne mesurais pas à quel point ces moments allaient devenir rares. Je ne savais pas…

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Auteur: Reporterre