Dans les régions, pourquoi voter pour des institutions devenues inaccessibles ?

Fabien Granier vit et travaille dans le Bocage bourbonnais, au nord-ouest de l’Allier, un endroit dont les habitants disent souvent qu’il est « au milieu de tout, mais au centre de rien ». Rythmée par les fêtes, les rencontres et les éblouissements, sa vie — qui oscille entre culture et agriculture — n’a rien du lieu commun sur la ruralité. Il est l’auteur du roman La Pire espèce.


De l’éboulis des élections locales de dimanche dernier, il n’y a qu’une chose à dire : quasiment personne n’est allé voter. Il n’y a eu ni désaveu du Rassemblement national (RN), ni prime au sortant, ni surtout, comme le disent beaucoup de professionnels de la politique (y compris — cette blague — Marine Le Pen), une prétendue absence de sens civique de nos concitoyens. Rien de tout ça. Dimanche dernier, nous avons assisté à une catastrophe institutionnelle, point.

Pour comprendre d’où ça vient, il suffirait peut-être d’écouter, enfin, les plus concernés par ces élections locales : nous — les campagnards, les provinciaux, les ploucs, le tiers pays… Celles et ceux qui vivent en dehors des pôles urbains. Celles et ceux qui, en moins de dix ans, se sont vu retirer leurs moyens d’accès à la vie démocratique, ainsi qu’à leurs droits les plus fondamentaux : transport, santé, éducation, etc.

Vers 2005, quand je suis arrivé dans le Bocage bourbonnais, au nord-ouest de l’Allier, il y avait une gare à sept minutes de chez moi, des médecins, des écoles… En plus de ses compétences obligatoires, notre département finançait des permis de conduire aux jeunes, soutenait les installations et pouvait se targuer d’une vraie politique culturelle. Notre capitale de Région, c’était Clermont-Ferrand, à une heure de chez nous. On avait un problème du ressort d’une de ces collectivités : on prenait rendez-vous et on y allait. On connaissait nos conseillers, on pouvait même les voir et les contacter. C’était pas dingue, le pays tournait déjà plutôt carré autour de ses archaïsmes jacobins, mais, au moins, on n’était pas abandonnés.

Quinze ans plus tard : plus d’interlocuteurs, plus de médecins, plus de trains, des écoles qui ferment, des mairies et un département à peine en mesure de couvrir leurs frais obligatoires (salaires, frais de gestion courante, etc.). Ajoutez à ça la disparition quasi complète des services anciennement dévolus aux sous-préfectures (cartes grises, associations, etc.), et peut-être alors commencerez-vous à comprendre pourquoi plus personne ne se rend…

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Auteur: Reporterre