Dans les silences

Filipe Ferreira

Frappé de plein fouet par la pandémie et le confinement, le champ de la création artistique portugaise a éprouvé une nouvelle fois sa fragilité structurelle. Tout particulièrement dans le secteur du théâtre où il n’y a pas de régime d’intermittence et où les acteurs sont la plupart du temps contraints de tourner dans des séries télé, voire d’exercer un autre métier, pour survivre.

Pour mesurer la situation d’un pays européen qui a un régime si peu protecteur, il faut la replacer dans le contexte qui a suivi la fin de la dictature de l’Estado Novo. « Que peut être un pays (un théâtre) après presque cinquante ans de non-pays (de non-théâtre) ? » C’est la question que posait le critique et historien Carlos Porto au lendemain de la révolution d’avril 1974, associant la situation du pays à celle de son théâtre. Un théâtre bâillonné, censuré, dépourvu de moyens et de lieux de création ou de formation, dont on peut trouver l’état des lieux dans le passionnant ouvrage de Graça Dos Santos, Le Spectacle Dénaturé – Le Théâtre portugais sous le règne de Salazar (1933-1968) (CNRS, 2002).

Lire aussi Mickaël Correia, « La face cachée du miracle portugais », Le Monde diplomatique, septembre 2019.

Quarante-sept ans après, grâce à l’engagement total d’artistes antifascistes : Luis Miguel Cintra, Jorge Silva Melo, João Mota, Joaquim Benite, João Brites… qui ont souvent refusé des propositions de carrière européenne plus prestigieuses pour se consacrer au développement théâtral dans leur pays, grâce à l’implication de pédagogues qui ont nourri un théâtre universitaire dynamique et avant-gardiste, la scène portugaise est forte de son ancrage populaire et sa vitalité. Pourtant, elle cherche toujours ses moyens d’existence. Elle doit pallier les manquements de l’État (de 2012 à 2018, au plus fort de la récession qui suivit la crise des subprimes, le ministère de la culture fut ramené à un simple secrétariat d’État) qui voudrait continuer à cantonner le théâtre à un théâtre commercial dépendant de la billetterie et qui n’aurait à assumer que quelques théâtres nationaux et des compagnies triées sur le volet par des concours.

Filipe Ferreira

Pour les artistes et directeurs de théâtre, les défis sont énormes et demandent une capacité d’adaptation colossale. C’est ainsi que Tiago Rodrigues, directeur du Théâtre national de Lisbonne depuis 2014, qui vient…

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Auteur: Marina Da Silva