« Dans un monde en crise, il faut se préparer à une rupture d’approvisionnement alimentaire »

Engagé sur les questions de résilience alimentaire territoriale depuis plus de 20 ans, le locavore Stéphane Linou forme les élus pour qu’ils intègrent le risque de rupture d’approvisionnement alimentaire dans les plans de sauvegarde communaux. Pour lui, il ne s’agit pas d’être catastrophiste mais de faire de la prévention pour protéger les populations. La sécurité alimentaire est un sujet primordial qui a été trop longtemps négligé dans une société de la surconsommation.

LR&LP : La FAO a lancé l’alerte sur la crise alimentaire à venir. Quelle est votre analyse de la situation actuelle quand on voit que l’Inde a stoppé les exportations de blé à cause des températures extrêmes ? Est-on dans une situation similaire à celle de 2008 ?

Au menu des emmerdes, nous n’en sommes qu’à l’apéro. Depuis 2008, on n’a pas reterritorialisé la production et la consommation alimentaire. On est toujours sur la théorie des avantages comparatifs de David Ricardo qui est qu’on se spécialise par territoire, et on fait une confiance infinie au transport qui ne coûte jusqu’à présent quasiment rien.

Cette spécialisation territoriale n’a pas été infléchie alors qu’il y avait des alertes sur la finance aveugle. En 2008, c’était pourtant l’occasion de s’éloigner davantage de la finance pour revenir à une économie réelle, liée à la production et aux choses que l’on voit et qu’on peut cartographier sur les territoires, pour assurer un minimum de nourriture, pour chaque territoire, s’il y avait un problème sur les flux qui équilibrent artificiellement au niveau alimentaire les territoires.

Malgré les émeutes de la faim qu’il y a eu, notamment au Maghreb suite à l’augmentation du prix des céréales, qui se sont transformées par des révoltes et des printemps arabes, on n’a pas retenu la leçon et on n’a pas accompagné les pays très dépendants des importations de céréales à développer davantage leur propre agriculture.

Et on voit que lorsqu’il y a un problème sur les perfusions et les flux, comme c’est le cas actuellement avec l’Ukraine et la Russie, les pays non producteurs connaissent à nouveau des troubles à l’ordre public.

Non seulement on n’a pas retenu la leçon, mais on s’est encore plus engouffré dans le système Ricardo, et là on voit qu’en plus de ça, se rajoute le dérèglement climatique qui fait que la pluviométrie et les températures extrêmes détruisent les récoltes, et enlèvent de la quantité de nourriture…

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Auteur: Laurie Debove