De l’étrange à l’intime, comment notre perception des animaux marins s’est transformée

Nous vous proposons de découvrir un extrait de l’ouvrage de l’anthropologue Hélène Artaud (Muséum national d’histoire naturelle), « Immersion », paru le 23 février 2023 aux éditions La Découverte. L’autrice y explore les rapports profondément différents que les sociétés de l’Atlantique et du Pacifique ont entretenus avec la mer. Et comment la rencontre de ces deux mondes a bouleversé les représentations occidentales des espaces maritimes. Dans le passage choisi ci-dessous, elle revient sur les changements qui se sont opérés au siècle dernier dans la perception de la faune océanique.

La reconnaissance d’une sensibilité animale apparaît avec une acuité sans précédent au tournant du XXe siècle ; elle se double d’un enjeu éthique, d’une responsabilité à l’égard d’existants désormais perçus comme des sujets.

Si l’urgence à changer en profondeur notre relation aux espèces marines pouvait être signalée dans les récits d’observateurs avant le XXe siècle – comme dans cette remarque de Jules Michelet qui s’émeut du traitement infligé à certaines espèces marines et réclame « la paix pour la baleine franche ; la paix pour le dugong, le morse, le lamantin » –, l’expression d’une émotion nouvelle se fait plus massive et radicale au tournant des années 1970.

Une forme de biophilie gagne l’espace océanique où un « profond changement dans la perception des animaux » est à l’œuvre. Avec l’émergence du cinéma documentaire et d’un tourisme maritime orientés vers la faune sauvage, les sentiments d’hostilité qu’éveillaient jusqu’alors les espèces marines s’émoussent. La visualisation des profondeurs océaniques n’est pas étrangère à ce bouleversement.



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L’exploration des fonds sous-marins ouvre la possibilité d’une rencontre avec des existants dont les comportements et les aptitudes désormais visibles tranchent avec la menace et l’anonymat qu’ils incarnaient jusque-là. Plutôt que l’étrangeté, c’est bien au contraire l’identification avec certains d’entre eux qui semble alors s’imposer. Des caractéristiques morphologiques propres à la mégafaune marine facilitent sans doute un tel basculement.

Par le support de projection anthropomorphique privilégié qu’elles…

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Auteur: Hélène Artaud, Maître de conférences, éco-anthropologie et ethnobiologie, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)