Ce texte a été lu le 9 mars 2021 sur le parvis du théâtre de L’Odéon occupé depuis le 4 mars par des collectifs d’intermittents et précaires de l’emploi, travailleur·es de la culture, de l’évènementiel et du tourisme.
Je m’appelle Juliette, j’ai 31 ans. Je suis autrice, actrice, metteuse en scène, spectatrice ? Je ne sais plus. Je viens sur le parvis du théâtre L’Odéon pris comme une petite Bastille où femmes et hommes sont venu·es s’enfermer délibérément pour affirmer leurs existences, énoncer leurs demandes. Démarche étonnante, et déflagratrice. Arrive ce qui manquait, un évènement poétique et politique. Réappropriation d’un lieu d’où s’énoncer, où s’adosser. Un théâtre, un bâtiment, du dur, du vieux. Matérialise notre besoin de matière et de profondeur, sécurité de l’histoire et des murs à un moment où ce mot, « sécurité », est un prétexte devenu mot d’ordre qui produit l’inverse de ce qu’il dit.
Je me sens très fragile, comme une personne qui écrit pour s’émanciper des discours et injonctions qui la traversent. Je voulais d’abord m’appuyer sur un texte d’Handke car il y cette phrase qui me tance ces jours-ci, « passe par les villages ». Mais ce texte de théâtre très beau un peu autoritaire me gênait, par son caractère d’affirmation tranchante, aujourd’hui où l’aplomb avec lequel les paroles sont dites prend le pas sur ces mêmes paroles, aujourd’hui où nous manquons tant de certitudes. Toutefois n’est-ce pas aussi et surtout de l’aplomb dont je manque et que je viens chercher dans ce texte, aplomb ou plutôt force puisée dans une loi autre, non humaine et énoncée par Handke dans son recours à la nature, de natura, la naissance ? Que veux-je participer à faire éclore, me suis-je demandé. Et de me retrouver avec une question tragique : que puis-je faire ? Authenticité je me suis dit, tenter une parole de vérité.
Lire, ici, tout type de texte, me paraissait artificiel. On s’est pâmé devant la surdité de ceux qui prétendent nous diriger tandis que le théâtre continue à être pratiqué par certain·es pour des représentations réservées aux professionnels… faisant éclater la réalité d’entre-soi de ce milieu que l’on identifiait plus ou moins complaisamment.
Lire un texte de fiction… je ne parvenais pas à trouver en moi la force de la porter, à un moment où la réalité annoncée s’identifie à la pire histoire de science-fiction, où le grotesque de la scène politique n’interdit nullement…
La suite est à lire sur: lundi.am
Auteur: lundimatin