Comment vous sentez-vous au moment de la sortie d’un film dont vous tenez le rôle principal ?
En général, je suis engagé dans une autre affaire au même moment, le plus souvent au théâtre, entre deux spectacles. Ce qui m’allège du souci de la sortie, des chiffres d’entrées, de la réception critique. Je suis occupé, distrait. C’est tout de même toujours un moment délicat, même sans être aux aguets. Je suis très anxieux de tempérament mais rarement sur ces questions-là. Sauf quand il s’agit d’un film de mon frère, Bruno.
Êtes-vous dans le même état le soir d’une générale au théâtre ?
Non, là j’éprouve un trac physique puissant. Je suis dans les lieux. Bien obligé d’être là. C’est le moment où on a le moins envie d’être là et où on doit le plus être là. Autrefois, c’était violent. J’en étais malade. J’avais beaucoup de mal à surmonter mon trac. Je ne l’évacuais qu’en entrant en scène. Physiquement, c’était très étonnant. Le renversement immédiat du trac en plaisir de jouer.
J’ai appris à le dompter, à savoir comment il se manifeste, à partir de quelle heure. J’ai alors besoin d’être seul. Je le vis comme la morsure de la peur d’entrer en scène, le rappel à l’ordre que le théâtre n’est pas chose naturelle. Se produire en public provoque une rébellion du corps à l’instant le plus crucial. Une image me revenait toujours : partir à l’assaut depuis une tranchée, se jeter d’une falaise dans l’eau froide. J’avais même l’impression, selon que je réussisse ou que je rate, que le monde du lendemain serait un autre monde. La rébellion physique se doublait d’une souffrance morale. J’allais rater ma vie.
L’ennemi, c’est quoi ? C’est qui ?
C’est le regard des autres que, par peur, je ne suppose pas amical. Le regard du juge, de la Méduse. Ces centaines de paires d’yeux perdus dans le noir de la salle… C’est enfantin et…
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Auteur: Recueilli par Jean-Claude Raspiengeas