Dépression : comment la kétamine pourrait changer la donne

Qu’est-ce qui détermine ce que nous croyons à propos du monde, de nous-mêmes, de notre passé, et de notre futur ? Les neurosciences cognitives suggèrent que nos « croyances » dépendent de l’activité de notre cerveau, et plus précisément de la manière dont il traite les informations sensorielles afin de donner du sens à notre environnement.

Ces croyances (définies comme des estimations de probabilité) sont au cœur des processus prédictifs cérébraux permettant à notre cerveau de prédire la structure probabiliste du monde qui nous entoure. Ces prédictions pourraient même être les briques fondamentales à partir desquelles sont construits nos états mentaux, comme les perceptions et les émotions.

Nombre de troubles psychiatriques, telles la dépression ou la schizophrénie, sont ainsi caractérisés par des croyances insolites dont on peine à comprendre l’origine. Or, si les systèmes cérébraux qui les sous-tendent étaient bien identifiés, ils pourraient constituer une cible majeure d’action thérapeutique pour soulager la souffrance associée à ces troubles.

Mieux comprendre les mécanismes des croyances en psychiatrie

C’est ce que suggère l’étude que nous venons de publier dans la revue JAMA psychiatry. Avec mon équipe, nous avons exploré l’effet de la kétamine, un psychotrope dissociatif, sur les mécanismes de mise à jour de ces croyances (comment nous les modifions suite aux informations reçues) chez des patients souffrant de dépression résistante aux traitements.

Alors que les antidépresseurs classiques mettent plusieurs semaines avant d’être efficaces, la kétamine, qui est une molécule antagoniste des récepteurs NMDA (N-méthyl-D-aspartate) présents sur les neurones, donne de premiers effets antidépresseurs en quelques heures. Elle entraîne également pendant son administration une expérience dissociative de dépersonnalisation avec la sensation de sortir de son corps (ou « autoscopie »).

Cette rapidité d’action et ces effets dissociatifs a priori inattendus interrogent sur les processus impliqués dans son efficacité thérapeutique, et constituent un mystère à la frontière de la pharmacologie et des neurosciences.

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Les biais cognitifs-affectifs dans la dépression

En France, la dépression est le trouble psychiatrique le plus fréquent (20 % de la population touchée au moins une fois au cours de sa vie) et la première cause de suicide. Les croyances dépressives (pessimisme, dévaluation, rejet, vécu d’échecs) en constituent l’un des symptômes les plus spécifiques. Ces thématiques négatives sont dites « congruentes à l’humeur », leur contenu étant homogène avec la teinte affective du sujet.

Ces croyances sont cruciales car elles influencent la perception et les…

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Auteur: Hugo Bottemanne, Psychiatre à la Pitié-Salpêtrière & chercheur à l’Institut du Cerveau – Sorbonne Université AP-HP, Sorbonne Université