Derrière l'utopie d'un village d'Emmaüs, l'exploitation de la misère

Lescar (Pyrénées-Atlantiques), reportage

La lueur orangée du soleil couchant caresse les sommets enneigés des Pyrénées. Assis dans l’herbe, j’entends vibrer mon portable : « Retrouvons-nous après le repas, à l’extérieur du village. Il y a un petit sentier qui longe le ruisseau. On y sera tranquille. » Le ventre plein, je quitte le réfectoire et feins de passer un coup de téléphone pour m’éloigner discrètement du groupe. Dans l’obscurité grandissante, je marche au bord d’un champ jusqu’à atteindre le cours d’eau mentionné dans le texto. Là, au pied d’un grand arbre, Théo m’attend : « Désolé pour ces précautions. Un jour, une policière m’a dit : « Faites attention, Germain peut vous faire disparaître. » Alors depuis, je me méfie… »

Le 13 février, un message à l’objet intrigant était apparu dans la boîte mel de la rédaction de Reporterre. En l’ouvrant, je découvris le récit d’Étienne et Camille, un couple de lecteurs ayant quitté leurs emplois pour tenter l’aventure d’un tour de France en caravane. Ils nous racontaient ressortir effarés de leur mois de bénévolat passé dans le village Emmaüs de Lescar-Pau. « Les conditions de travail sont choquantes, écrivaient-ils. Cela ressemble à une exploitation de la misère ! Certains villageois nous ont exprimé qu’ils se sentent pris au piège. »

Au téléphone, l’indignation des baroudeurs était palpable : « Cet Emmaüs est le plus grand de l’Hexagone. Il y a une ferme pédagogique, une boulangerie, mais aussi un bar, un restaurant et une épicerie flambant neufs. Et derrière ça, en coulisses, des types bossent à la chaîne comme au XXᵉ siècle, dans des conditions lamentables. » Vidant leur sac rempli d’anecdotes et de colère, ils évoquèrent rapidement le prénom d’un homme, Germain Sarhy, fondateur et gérant historique de la communauté. « Il est prêt à réduire en esclavage de pauvres gens pour que les clients consomment. On voulait lui toucher deux mots, mais l’un de ses adjoints nous a dit d’être prudents, qu’il pouvait s’énerver très facilement. »

C’est en août 1987, de retour d’un voyage en Inde et inspiré par l’œuvre de l’abbé Pierre, que Germain, ouvrier aéronautique, a entrepris la transformation d’un immense hangar, servant à l’élevage de bœufs, en ateliers et espaces de vente. La grange métamorphosée en cuisine et un préfabriqué réaménagé en chambres, voilà que naissait la communauté Emmaüs de Lescar-Pau. Depuis trente-cinq ans, ce…

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Auteur: Emmanuel Clévenot Reporterre