Des images communes

Nous sommes à quelques jours du retour par la navette parlementaire de la proposition de loi sur la Sécurité Globale, en première lecture devant le Sénat. Son fameux article 24 sur l’enregistrement et la diffusion d’images captant les forces de l’ordre a fait couler beaucoup d’encre.

Ironie de l’Histoire, les dispositions les plus polémiques de cette loi pourraient être réécrites par l’opposition, un siècle et demi, jour pour jour après qu’Adolphe Thiers et son gouvernement aient envoyé de nuit, la troupe commandée par le général Lecomte s’emparer des canons de la Garde nationale sur la butte Montmartre.

L’article propose une réflexion sur la place de la photographie dans l’identification des participant.es à la Commune mais aussi son usage dans la guerre psychologique livrée entre Communard.es et Versaillais.es ainsi que sa résonance aussi bien dans l’écriture des mythes fondateurs de la République que dans notre propre imaginaire commun.

Cette histoire a été racontée plusieurs fois ; elle rappelle comment des communards et communardes qui avaient échappé au massacre mené par les troupes républicaines se sont fait rattraper par la répression parce qu’on les avait reconnu sur des photographies. Sauf que s’ils ont été balancés, ce n’est pas parce que la photographie aurait par essence à voir avec la mort mais bien parce qu’ils étaient, dans les termes, convaincus de participation à l’insurrection et se donnaient les moyens de rompre avec l’ordre existant. Et malgré une utilisation à leurs dépens par les Versaillais, ils le disent encore dans ces images.
La part des photographies dans l’investigation et leur efficacité à ce moment-là ont pu avoir été mis en doute ; il n’en reste pas moins qu’après l’écrasement de la commune, la préfecture dispose pour la première fois d’une masse inédite de portraits d’identification, effectués systématiquement sur presque tous les prisonniers et prisonnières.
Dans la foulée, le service photographique de la préfecture de Paris est officiellement crée au cours des années qui suivent. Que la modernisation de la police soit d’abord une tentative de conjurer ses pires frayeurs plutôt qu’une histoire autonome des technologies apparaît assez dans le refus qu’opposa huit ans plus tôt, en 1863, un ministre de l’Intérieur à une proposition d’identification générale de tous les prisonniers.

Communardes et communards pris parce que prisonniers à Versailles, 1871.

Toute désorganisée qu’elle soit…

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Auteur: stage