Pour commencer cette nouvelle série, qui débute théoriquement en 1959, qu’on me permette deux retours en arrière. J’avais par distraction renvoyé à plus tard un presque octogénaire standard, et son presque contemporain « L’amour à fleur de coeur », tous les deux dans leur version 1964, joliment ré-orchestrée par Paul Mauriat et impeccablement chantée d’une voix plus puissante, assurée, presque décontractée (une voix de crooner en somme), oubliant trop vite leurs premières versions plus frêles et pourtant plus intenses, plus spirituelles et en même temps plus charnelles.
1. « Viens au creux de mon épaule » (45 tours, 1955)
« Viens au creux de mon épaule », pour commencer, est dans sa version de 1955 un chef d’oeuvre absolu et indépassable. L’arrangement dépouillé de Robert Valentino, un simple et sobre – et impeccable – trio de jazz, contrebasse piano guitare, la voix plus rocailleuse que jamais, et le chant solennel, déclamatif, du jeune Aznavour infusent toute la ferveur et l’inquiétude requises dans ce plaidoyer pro-domo plutôt casse-gueule de l’homme volage qui doit se faire pardonner « ce qui ne fut qu’un instant de folie ». Le texte est tout ce qu’il y a de plus ordinaire, c’est bel et bien du côté de la musique que tout se passe : l’extraordinaire mélodie composée par Aznavour, son chant fiévreux (il a vraiment déconné, ça s’entend, et il le regrette vraiment !), et enfin ce très singulier solo à l’unisson de piano et de guitare, qui nous embarquent, sans tambours ni trompettes (au propre comme au figuré), du côté du jazz le plus pur, le plus élégant, le plus bouleversant… Ici chaque note de piano et de guitare, et chaque note chantée, est une note bleue.
2. « L’amour à fleur de coeur » (Face B sur 45 tours Merci mon coeur, 1957)
Second faux pas, second oubli. Les violons de Paul Mauriat conviennent parfaitement à…
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Auteur: Pierre Tevanian