Notre système de santé dentaire est particulièrement inégalitaire et pourtant on n’en parle peu, comme si la santé dentaire était un à côté, un petit plus comme les massages thaï ou l’aqua-poney. Avec un reste à charge qui augmente avec les années – la prise en charge par la sécurité sociale étant ainsi passé de 36% à 33% entre 2006 et 2014 – pouvoir prendre soin de ses dents est bel et bien un luxe. Et pourtant, on fait comme si “sourire” allait de soi, était un bienfait dont nous pouvons tous profiter, avec un peu de bonne volonté. Jusqu’à maintenant : Olivier Cyran est journaliste – mais pas au sens de France 2 ou BFM TV – et a rencontré des victimes de cette lutte des classes par les dents, ainsi que ses principaux protagonistes (dont un dentiste particulièrement critique de sa profession, qui “balance tout”). Il en a fait un livre qui parle des dégâts que notre système de santé et notre société au sens large produit sur les dents des pauvres, des femmes, des manifestants mais aussi de celles et ceux qui résistent et qui luttent contre ces injustices. “Sur les dents, ce qu’elles disent de nous et de la guerre sociale”, publié à La Découverte, est palpitant, galvanisant et donne envie de montrer les dents. Deuxième partie de l’entretien, sur la corporation des dentistes. La première partie est à lire ici.
Pour revenir à la question de la honte, les victimes de mauvais soins dentaires ont honte de s’être fait arnaquer. Tu as honte de t’être fait arracher une dent qui en fait était saine, tu as honte d’avoir versé des centaines d’euros pour une couronne qui ne tient pas… Dans les récits de déboires dentaires, j’ai l’impression que ça revient à chaque fois. Peut-on dire que s’ajoute à tout ce dont on a parlé dans la première partie de l’entretien la honte et l’infériorisation liée au rapport avec le corps médical ?
Oui, c’est quelque chose qu’on ne mesure pas suffisamment : la violence sociale liée au mépris avec laquelle une partie des professionnels de santé traitent leurs patients. Je suis frappé par le nombre de témoignages que je reçois suite à la sortie du livre, où ce fait là revient très souvent. Car il y a une déférence pour le corps médical, on ne veut pas imaginer que la personne qui nous soigne ne va pas faire très attention, se soucie comme d’une guigne de ce qui va nous arriver après des soins médiocres ou ratés. La plupart refusent d’admettre des échecs ou des malfaçons. Là j’ai une amie qui…
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Auteur: Rédaction Frustration Mag