Des paysans inventent leurs outils pour se libérer de l'industrie

[4/4 L’agriculture numérique ou la fin des paysans] Le gouvernement l’assure : la numérisation de l’agriculture, c’est l’avenir. Robots et applications la rendraient plus économe en eau, en pesticides, plus résistante au changement climatique… Vraiment ? Reporterre démonte ce mythe dans une enquête en quatre volets.


Un champ rempli de carcasses de moissonneuses-batteuses avec des disques durs qui pendouillent sur leurs flans. Le documentaire La bataille du libre produit par Arte commence par ces images désolantes au Kansas. « Si on a le moindre bug, ça met toute la machine hors service. On devrait pouvoir continuer à les réparer comme avant », déplore le protagoniste du film. La scène illustre la dépendance accrue de l’agriculture à l’industrie à cause d’outils numériques de plus en plus complexes. Une dépendance dénoncée par les tenants de l’agriculture paysanne. Avec son manifeste Reprendre la terre aux machines (Seuil, 2021), la coopérative d’auto-écoconstruction d’outils agricoles l’Atelier paysan affirme que la lutte pour l’agriculture paysanne passe par les outils.

« L’outil qu’on ne peut pas entretenir et réparer soi-même, pour lequel on est dépendant d’une instance en situation de quasi-monopole technique et qui nous fait payer cher ses services, cet outil nous asservit. » Face à cette définition de l’outil industriel, l’Atelier paysan oppose l’outil paysan. La coopérative accompagne ainsi des ateliers pour la conception de prototypes low-tech — en opposition à high-tech. « L’enjeu est d’être capable de réparer et d’adapter son outil et non d’être face à une boîte noire d’une complexité folle, explique à Reporterre Hugo Persiller, formateur au sein de l’Atelier Paysan. Construire et maintenir des outils avec peu de technologies assure leur durabilité. » Autre différence : le coût, afin de ne pas contribuer à l’endettement des agriculteurs. D’un côté, quelques jours d’atelier, un peu d’acier et des perceuses. De l’autre, des tracteurs équipés des derniers outils numériques qui coûtent environ 100 000 euros, voire plus de 150 000 pour une version robotisée.

Un chariot à clôtures inspiré des caddies de golf fabriqué par « Les Elles », un groupe d’agricultrices. © Célian Ramis/Reporterre

Même des geeks admettent ces critiques. Julien Ancelin, agriculteur et ingénieur d’étude à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), développe un…

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Auteur: Magali Reinert Reporterre