Des pensées décoloniales à l'épreuve de la guerre en Ukraine

Le 24 février dernier, l’armée russe envahissait l’Ukraine dans le cadre d’une opération militaire de grande ampleur dont le but était de décapiter rapidement le pouvoir ukrainien et de soumettre le pays. Cette invasion brutale, rapidement accompagnée par des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité massifs – bombardements intensifs des infrastructures et des populations civiles, urbicides comme à Marioupol, massacres comme à Boutcha, usage fréquent et parfois même systématique du viol et de la torture – a plongé les gauches mondiales dans un abîme de perplexité. « Des militants d’habitude si résolus dans leur soutien de toutes les victimes de la guerre et du capitalisme sont soudainement devenus extrêmement nuancés et « réflexifs » », ironisait alors le politologue ukrainien Denys Gorbach dans lundimatin. De fait, une frange importante de la gauche, de l’Amérique latine à l’Inde en passant par la France, adopta des positions dites « campistes ».

« Vérité criante

On peut avancer

toutes les théories du monde

sur les dessous de cette guerre-ci

rappeler tous les crimes commis

dans le passé

proche ou lointain

par les génocidaires

les esclavagistes

les colonialistes

contre l’ensemble des peuples de la terre

mais on ne pourra pas nier

la vérité simple

criante

irrécusable

que dans la guerre

qui nous occupe aujourd’hui

les Ukrainiens défendent leur terre

leur liberté

et les soldats russes

agissent

en esclaves aveugles

d’un tyran »

Abdellatif Laâbi

« Qu’est-ce que le campisme ?  », s’interrogent les philosophes Pierre Dardot et Christian Laval. « C’est la bêtise politique aux effets les plus sinistres qui consiste à penser qu’il n’y a qu’un seul Ennemi. On le définira comme un anti-impérialisme à sens unique. De l’unicité de l’Ennemi découle la conséquence imparable suivante : ceux qui s’opposent à l’Ennemi ont droit sinon aux bénédictions, du moins aux excuses, selon le principe que les ennemis de l’Ennemi sont, sinon des amis, du moins des « alliés objectifs » dans un juste combat. »

L’influence du campisme

En France, cette position bénéficie de relais politiques, médiatiques et intellectuels influents, qui lui donnent un poids non négligeable auprès d’un public qui, leur faisant confiance, adopte spontanément leurs analyses : Jean-Luc Mélenchon et une grande partie de l’appareil de la France Insoumise, qui ont relayé pendant de nombreuses années des éléments de langage proches de la propagande du Kremlin, ou les…

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Auteur: dev