Des plantes d'aquarium menacent les zones humides

Feuilles bien vertes, légèrement arrondies, assorties de fines zébrures brunes… La grenouillette, Limnobium laevigatum de son nom scientifique, semble bien fragile dans son petit pot en plastique transparent, au rayon aquariophilie de ce magasin Truffaut parisien. Cette plante aquatique flottante — également appelée petit nénuphar américain — a été cultivée in vitro par la société Tropica, au Danemark ; elle est garantie « sans algues, sans parasites et sans escargots ». Ce qui explique peut-être son prix : 7,50 euros les quelques grammes de verdure. Cette plante d’ornement finira dans l’aquarium d’un amateur de poissons ou d’un adepte d’aquascaping, ce loisir consistant à créer des paysages aquatiques les plus époustouflants possibles.

Il ne faut pourtant pas sous-estimer les jeunes racines de Limnobium laevigatum qui s’enroulent pour l’heure sagement au fond du pot. Une fois plongées dans l’eau, elles peuvent devenir redoutables. La grenouillette, originaire d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud, pousse vite. Trop vite.

« C’est une espèce dioïque, qui se multiplie essentiellement par stolons [tige aérienne rampante ou arquée] : les jeunes pieds restent accrochés un certain temps au pied mère avant de se détacher. Elle peut ainsi devenir très couvrante à la surface de l’eau, voire obstruer complètement le passage de la lumière du soleil dans la colonne d’eau », détaillent Pauline Guillaumeau et Joseph Villiermet dans Carnets botaniques.

Le 28 mai 2022, au cours d’un inventaire floristique sur la commune de Brécé (Ille-et-Vilaine), ces deux naturalistes ont identifié Limnobium laevigatum dans un affluent direct de la Vilaine. Une première en France. La superficie colonisée au niveau d’une retenue d’eau semblait assez limitée. Mais deux mois plus tard, la situation avait radicalement évolué. « Malheureusement, nous avons constaté un développement exponentiel et extrêmement préoccupant de la plante, avec un recouvrement total de la mare (entre 500 et 1 000 pieds) », écrivent-ils.

Des plantes peu exigeantes, idéales pour les aquariums

Ils estiment que le risque de nouvelles introductions n’est pas à négliger, « la plante étant toujours en vente dans les jardineries ». Pourtant, le potentiel invasif de cette espèce est connu depuis longtemps. Déjà en 2013, un rapport du département de l’Agriculture des États-Unis (USDA) la comparait à la jacinthe d’eau (Eichhornia crassipes), considérée comme extrêmement envahissante.

« Les caractéristiques qui sont recherchées dans l’aquariophilie, à savoir la facilité d’entretien et la rapidité de croissance, sont exactement celles qui font que l’espèce va être plus à…

La suite est à lire sur: reporterre.net
Auteur: Fabienne Loiseau Reporterre