Descentes de pays

Cette semaine, nous publions ce texte qui nous est parvenu pendant l’été. Ses auteurs ont tenu à partager ces morceaux poético-politiques, initialement écrits pour des rencontres autour des solidarités entre bassins versants.

L’exemple de la Semois

Elle prend sa source bassin angles

de vieilles pierres la source stagne

s’en élèvent des joncs et se déverse

sort de la rue Sonnetty souterraine

pour quitter la ville pour l’incursion

dans l’humus l’humidité des sables

à la lisière de cette ville il y avait

il y a peu une forêt dénivellations

fougères hiboux grand-duc aiguilles

sapinière cabanes dans les arbres et

sous les arbres récitations de poésie

près du feu de camp soins de survie

la lisière devenue désert d’ornières

coupé par des clôtures entassement

de troncs débris d’assiettes bidons

brisés durable écrasement d’écorces

un horizon incolore tout au plus y

demeurent des nuances de grisaille

puis elle prend son cours sans âge

sans date sans heure crépusculaire

ou devant le levant rivée seulement

aux saisons messagère uniquement

des percées des martins-pêcheurs

et des percées de racines et ronces

le pays celui de la Gaume des plaines

jurassiques sur lesquelles se juchent

les hêtraies et se parsèment les haies

abritant pies-grièches grises et d’où

montent les modulations des cigales

floues y miroitent mares et mardelles

et encore étroite elle y entre à Étalle

sa limpidité a été évaluée en termes

de qualité et l’entreprise s’est installée

embouteille et dépêche des colonnes

de camions l’entreprise à l’héraldique

de Nestlé la rivière vire dans les bois.

Le pays dans le pays n’a pas besoin de quitter l’existant pour exister. Ce n’est pas un pays loin. Il est là. Il n’est pas à chercher sur l’horizon comme un phare, il est dans l’eau qui coule. Il fait bassin. Il se déverse. Il fatigue nos pas et reconnaît notre marche. Longtemps nous avons cru qu’il n’y avait qu’un pays que nous appelions d’ailleurs un État, mais nous nous trompions. État et pays ne sont pas synonymes. L’État a des ressources. Le pays est du vivant. L’État ne veut pas du pays. Le pays regarde l’État dans les yeux et lui dit : je suis ce qui reste de désirable, le reste tu l’as détruit. Car tu as été bien trop distrait avec le national et le multinational. Ta légalité n’est pas ma légitimité. Le pays est dans le pays, il y a une carte sur la carte.

Bordée de l’épaisseur des forêts elle

s’allie aux flux aux reflets d’ombres

et d’oxygène…

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Auteur: lundimatin